Térésa Tallien
31 juillet 1773 (Madrid) - 15 janvier 1835 (Chateau de Chimay)

"Elle aimait les combats, elle aimait les victoires. Sa beauté méridionale fut une alliée dont elle usa sans compter "
« Le Ruban rouge » de Carmen Posadas

L’égérie de la Révolution

 

1789 a été le théâtre de bouleversements, où tant de destins de vies ont été décidés. Il est des femmes qui ont traversé la Révolution Française d'une manière excessive comme Charlotte Corday ou Theroigne de Méricourt, mais il en est d'autres qui ont laissé une empreinte indélébile de bienveillance et de courage.

L'enfance espagnole de Térésa

« Ma vie est un roman » disait Madame Tallien à la fin d'une existence qui en avait contenu cent et milles, si différentes et palpitantes à la fois. Un roman qui débute un peu comme un conte non loin de Madrid, dans le château de San-Pedro de Caravenchel de Arriba, Après la naissance de deux garçons, Marie-Antoinette Cabarrus donna enfin le jour, le 31 Juillet de cette année 1773, à une jolie petite fille, nommée Térésa. Elle fut une petite fille gracieuse et charmante qui savait déjà séduire son monde. D'un seul sourire, elle avait déjà une manière de vous regarder qui pardonnait tout, même l'impardonnable. Sa mère se soucia pourtant peu de veiller sur elle, occupée qu'elle était de mener sa maison et préoccupée qu'elle était par les frasques madrilènes de son volage mari François Cabarrus ... Mais cela-ne-nous-regarde-pas ! et poursuivons nôtre conte:
La petite fille très éveillée apprit le français avec ses parents, l'espagnol avec les domestiques, l'italien et des bribes de latin en écoutant, accoudée à la fenêtre de la salle d'étude, les leçons qu'un précepteur ecclésiastique florentin dispensait à ses frères aînés. Bien sûr, elle reçut l'éducation habituellement réservée aux jeunes-filles qui consistait à leur enseigner tout juste quelques matières artistiques et des leçons de maintien.
Teresa grandit ainsi, sagement en charme et en espièglerie ... A onze ans, elle avait la taille et des manières d'une jeune-fille. Elle s'amusait beaucoup à troubler le précepteur de ses frères ... La future séductrice fourbissait et aiguisait ses armes !
Parlons un peu à présent de son père: François Cabarrus n'était qu'un modeste banquier de Bayonne, quand il s'éprit d'une jeune beauté Marie Antoinette qu'il enleva selon la meilleure tradition romanesque, et qu'il épousa, de l'autre côté des Pyrénées. Comme il était plein d'ambition, et quoiqu'il n'ait que vingt ans, il se fixa le but de devenir le grand argentier du Roi d'Espagne.


En 1785, Térésa jusqu'alors élevée chez les religieuses pu enfin regagner provisoirement le château familial. Bientôt, la petite rayonna d'une telle beauté que ses propres parents en restaient comme interdits. Scandalisé par l'attitude de son beau frère qui faisait une cour sans vergogne à sa fille et sentant bien le tempérament qui bouillonnait en Térésa, son père pressentait que le plus petit scandale dans sa famille unirait ses ennemis aux conseillers religieux du Roi d'Espagne. François Cabarrus prit une décision radicale; il fallait éloigner sa fille au plus vite ! Etablir Teresa ne suffisait pas pour conjurer cette menace, Madrid étant trop proche François Cabarrus choisit Paris qui allait offrir a sa fille un foisonnement de beaux partis. C'était donc décidé, résolu de surcroît, à la bien doter et à la bien marier Marie-Antoinette, ses fils, le précepteur et Teresa, étaient donc attendus à Paris officièlement pour parfaire son éducation.

Térésa Cabarrus

anonyme - Ecole française

 

Paris .... Nous voila

La voici donc à Paris toute enivrée par le parfum de galanterie et les plaisirs de la capitale ainsi que par le regard appuyé de messieurs séduisants ou riches .... Elle adore plaire, agacer, affoler, En un mot Térésa suscite la curiosité masculine, attise l'intérêt, et entretien une certaine jalousie féminine. François Cabarrus quand a lui veut renforcer ses positions en France. En 1788, le 21 février, le mariage de sa fille avec Jean-Jacques Devin de Fontenay (1762-1817), conseiller à la troisième chambre des enquêtes du Parlement de Paris, s'impose. Elle a tout juste seize ans et peu à peu le conte du début évoluera et prendra une teinte plus sombre.

Madame Tallien - Marquise de Fontenay

D'après Jean-Baptiste Isabey

 

Malgré son engouement pour les idées nouvelles, Térésa est présentée officiellement à Louis XVI et la Cour. En Espagne, elle est reçue chaleureusement par la famille royale qui ignore presque son mari ...
Elle tient salon dans le Marais dont elle est un fleuron. Elle reçoit des grands noms comme Lameth, Mirabeau, la Fayette, Rivarol, Lepeltier de Saint-Fargeau (son amant du moment) ...
Elle est initiée en 1789, à la " Loge Olympique " maçonnique. Elle est inscrite au " Club de 1789 " où l'on défait et refait le monde .... Elle s'essaye au tutoiement citoyen en ajustant sa cocarde tricolore avec une certaine coquetterie.
L'union avec M. De Fontenay n'est pas idyllique, loin s'en faut, Devin de Fontenay est un débauché et Térésa Cabarrus décide que leur union ne serait plus que de façade. La rupture nette et définitive est signifiée à Fontenay, lorsqu'il s'avise de ramener l'une de ses maîtresses dans la couche conjugale. Qu'importe, l'amant en titre qui console Teresa est alors le célèbre député Alexandre de Lameth. Elle quitte le domicile conjugal; elle en retrouvera le chemin quand Lameth fuira à l’étranger.

Dans la Révolution

A l'été 1792, Marat, Danton, Robespierre, Hébert, portés au pouvoir, le Roi déchu, les amis de Térésa, Barnave, Lameth, sont mis en accusation. Ajoutons que Devin de Fontenay a eu la très mauvaise idée d'acheter quatre cents mille livres le titre de marquis au début de l'année 1789: résultat, il tombe sous le coup du décret de la Convention qui déclare que les ci-devant conseillers au Parlement qui n'ont pas montré des opinions révolutionnaires doivent être jetés en prison. Début 1793, c'est le chaos, le Roi a été exécuté, ses amis de naguère ne sont plus en odeur de sainteté. Le danger règne partout, sous toutes les formes. Devin de Fontenay, avec qui elle est en instance de divorce, a dévoré toute sa dot. Une seule question taraude Térésa : Où fuir ?

Deux solutions s'offrent à elle :

- Rejoindre les Français émigrés à l'Est mais ça ne lui semble pas la meilleure idée qui soit : n'a t-elle pas applaudi à la prise de la Bastille et dansé autour de l'arbre de la Liberté ? Elle a si allègrement sacrifié à Vénus pour fêter l'aube nouvelle qu'on l'a surnommée la maîtresse du Tiers-Etat.
- L'Espagne, ......sa patrie.....mieux vaut n'y plus songer, son père a été arrêté pour malversations et mis en prison.

Et pourquoi pas Bordeaux ? Aprés tout elle a encore ses deux frères !!!! devant cette expectative il n'y a à ce moment là pour Térésa aucune hésitation , ce sera Bordeaux ! Le 6 mars 1793, elle quitte Paris avec son futur ex-mari et son enfant. Dés son arrivée à Bordeau, Teresa retrouva ses deux frères, leur oncle Galabert, et des amis à eux M. de Colbert et M. de Lamothe. Elle décide alors d'un nouveau départ et offre généreusement ses bijoux à Fontenay en lui disant "être quitte de lui" et ne plus souhaiter le revoir....... Le divorce sera prononcé le 25 avril 1793.

"Ma vie est un roman" disait elle......mais peu à peu la belle histoire..devient un roman noir; en cette année 1793 la situation politique empirait de jour en jour. La Convention avait chassé les députés Girondins. Ysabeau et Baudot avaient été envoyés de Paris comme commissaires pour la région de la Gironde . Ils furent reçus par des insultes, jets de pierres et boutés hors de la ville. Robespierre, devenu tout puissant à la tête de l'Assemblée comme du Comité de Salut public, prit le coup de sang devant les tentatives de contre-révolution. Il dépêcha des hommes durs et sans scrupules pour éliminer les adversaires de la Vertu: Lebon à Arras, Fouché à Lyon, le sympathique Carrier à Nantes qui aura l'idée novatrice de la noyade républicaine. L'Incorruptible réserva à Bordeaux un pur et dur, un septembriseur échevelé son nom: Tallien.

Pendant ce temps à Bordeaux, la belle Térésa, intervenait auprès des révolutionnaires pour faire libérer sa famille et les premières victimes de la Terreur. Sentant la repression se mettre en place elle tente en vain de regagner l’Espagne, elle est arrêtée début décembre 1793 à Bordeaux en vertu de la loi des suspects. Laissée aux mains de son geôlier, nous la retrouvons au fond d'une cellule immonde du fort de Hâ, complètement abasourdie, perdue, envisageant toute l'étendue de sa détresse et le péril qui la guette. Ses beaux cheveux ont été coupés courts. Il faut l'avouer c'est de sinistre augure. Il fait sombre, les rats et la vermine grouillent entre ces murs suintant la crasse, et l'humidité. On est en décembre 1793, c'est dire s'il fait froid

Heureusement pourTérésa son emprisonnement sera de courte durée, elle sera relâchée par le jeune commissaire de la Convention Jean-Lambert Tallien arrivée à Bordeaux en octobre 1793. Tallien, après avoir repris la ville, guillotiné le maire et rebaptisé le département de la Gironde en Bec d'Ambès, mène alors un train de vie fastueux, et se vautre dans un luxe insolent, s'adonnant à écouter les rapports d'une oreille distraite. Peu lui importe le sort de tous ces condamnés voués à la mort ..... Quand soudain, il entend prononcer "Térésa Fontenay " le souvenir de cette beauté brune qui faisait les délices d'Alexandre de Lameth vient le percuter de plein fouet, déstabilisant pour un instant le jeune homme.... l’a t-il désirée?..... Il y a quatre ans déjà !!!!! Sortant de sa stupeur Il demande où est cette citoyenne? "A quoi bon", lui est-il répondu, "elle sera guillotinée demain !"

Tallien décide de se rendre lui-même au fort de Hâ pour la faire libérer. Térésa s'en doute il y aura une contrepartie à cette libération: quand il paraît, à la prison la jeune femme évalue en un éclair l'étendue du sacrifice qu'elle doit consentir. En connaisseuse, elle admire sa taille athlétique, sa superbe. Elle comprend que ce jeune Conventionnel est son passeport pour la liberté, alors.... Alea jacta est ! A vingt ans tout juste, elle devient sans beaucoup rechigner la maîtresse en titre du premier personnage de Bordeaux, avec toute l'étendue d'influence que cela implique, car Tallien est ferré bel et bien. Il a cette femme dans la peau et fera tout pour assouvir ses quatre volontés. Le 30 décembre 1793, Bordeaux fête la reprise de Toulon aux Anglais. Tallien parade en grand uniforme de la République, au sommet d'un Temple de la Raison au fronton duquel on a gravé : " Montagne sainte, l'Univers attend de toi la Liberté ! " A ses côté resplendit Térésa que le bon peuple de Bordeaux idolâtre. Elle prononce un discours sur l'éducation, le patriotisme et la vertu, qu'elle a rédigé elle-même. Le public l'ovationne à pleins poumons ! Elle sera rapidement baptisée Notre-Dame-de-Bon-Secours pour son influence auprés de Tallien et les mesures de clémence qu'elle obtient.

A Paris, la liaison fit scandale, Tallien est rapellé à Paris en mars 1794 pour modérantisme et doit justifier son action à Bordeaux, Térésa le suit et elle est de nouveau arrêtée sur ordre du Comité de salut public. C’est à ce moment qu'elle fera la connaissance de celle qui deviendra l'impératrice des Français la douce Joséphine Tacher de Beauharnais. Cette arrestation rendre furieux Tallien et le déterminera à entrer dans la conjuration de Thermidor contre Robespierre. Le jeune commissaire de la Convention, entré au Comité de salut public le 13 thermidor, fera remettre en liberté sa maîtresse le 26 thermidor.

 

La belle Térésa devient Madame Thérésa Tallien

Dès lors il s'affiche ouvertement avec elle puis l'épouse, Térésa de par sa place dans la nouvelle société devint alors l'égérie de la Révolution Française. Ses toilettes extravagantes firent sensation ne cachant rien de sa beauté. Avec son amie Joséphine de Beauharnais, elle fait partie de ces « Merveilleuses » du Directoire. Elles lancent la mode néo-grec, des robes transparentes et aux mœurs légères.

Thérèsa Tallien est, avouons le, l’une des beautés de son temps, grande, élancée, brune, avec des yeux de jais. Elle conduit elle-même son élégante petite calèche, s’exerçant pour les courses qui vont bientôt reprendre au Bois. Elle se parfume à l’huile de néroli, parfum exotique et oriental et lance la mode des perruques blondes à bouclettes. Ces perruques, en cheveux véritables sont relativement bon marché à la pièce car fabriquées avec les cheveux des guillotinées… Si Thérésa est appréciée de Joséphine, Hortense de Beauharnais, la fille de Joséphine par contre, très comme il faut, ne l’aime pas en raison de ses mœurs trop légères. Reine de Paris, elle incarne un nouveau type de femme libre.

Mme Tallien au jardin des Tuileries

Edouard Zier

 

Plus elle étend son empire sur Jean-Lambert Tallien, plus elle gagne en influence antirévolutionnaire, Thérésa instaure de nombreuses mesures de clémence, dont le « bureau des grâces » qui sauve de l’échafaud nombre de têtes, ce qui lui vaudra ses surnom de Notre-Dame-de-Thermidor. Pressant Tallien de mettre un frein aux arrestations, faisant disparaître des actes d'accusation, des listes entières de suspects. Elle se dévoue sans ménager sa peine à tous les plus faibles, se faisant bienfaitrice des pauvres, garde-malade, institutrice bénévole, assurant sa protection à qui vient la demander, ne rebutant personne. Elle est partout, sur tous les fronts de la misère humaine. Notons que son activité contribua à discréditer Tallien vis à vis des Conventionnels, devenu Reine des Merveilleuses son époux perd petit à petit tout pouvoir. Thérésa s’en détache peu à peu à compter de 1795 et devient en 1797 la maîtresse de Barras le nouvel homme fort du moment puis du banquier Ouvrard. Elle ne divorcera de Tallien que le 8 avril 1802.

Barras présentant Mme Tallien et Joséphine de Beauharnais à Bonaparte

Caricature de James Gillay 1805

A partir d'octobre 1795, le général Bonaparte croisera souvent Therésa Tallien lors de ses multiples visites à Joséphine. Il écrira lui même à Barras "Un petit baiser à Mmes Tallien et Châteaurenault, à la première sur la bouche, à la seconde sur la joue". Ouvrard et Barras décrivent une cours sans succès de Bonaparte auprés de Mme Tallien avant de se rabattre sur Joséphine. Pour d'autre c'est Thérésa qui aurait suggèrer à Bonaparte la liaison avec Joséphine. On ne sait pas vraiment, Bonaparte est troublés à la fois par leur beauté et manières et par leur proximité avec les hommes de pouvoir.
Thérésa est généreuse et serviable envers Bonaparte mais manque peut être un peu de délicatesse envers lui encore peu à l'aise dans ce milieu. Un jour lui ayant fait fournir un nouvel uniforme elle lui lance en l'acceuillant "Et bien, mon ami, vous les avez vos culottes !"; La plaisanterie n’est pas du goût du futur Empereur. Le 9 mars 1796, Tallien et Barras sont les témoins du mariage civil de Joséphine et Bonaparte et bien entendu Thérésa y est présente.


En 1799 Le coup d'Etat de Brumaire signera la fin de sa vie politique. Bonaparte ne l'admet pas à sa cours ni sous le Consulat ni sous l'Empire. Il écrit un jour à Joséphine : « Je te défends de voir madame Tallien, sous quelque prétexte que ce soit. Je n'admettrai aucune excuse. Si tu tiens à mon estime, ne transgresse jamais le présent ordre ».

Exclue de la vie publique elle devient l'amie de Madame de Staël chez qui elle rencontre le jeune comte de Caraman, futur prince de Chimay, qu'elle épousera en août 1805. Retirée dans son château de Chimay, Notre-Dame de Thermidor aura onze enfants, et terminera sa vie en bonne mère de famille. Elle meurt en 1835.

Cependant La belle Térésa l'égérie de la Révolution restera dans nos mémoires Madame Tallien........un nom qu'elle aurait tant voulu faire oublier.

 

Térésa Tallien en 1804

François Gérard

 


 

 


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