"Elle aimait les combats, elle aimait les victoires.
Sa beauté méridionale fut une alliée dont elle usa sans
compter "
« Le Ruban rouge » de Carmen Posadas
1789 a été le théâtre de bouleversements, où tant de destins de vies ont été décidés. Il est des femmes qui ont traversé la Révolution Française d'une manière excessive comme Charlotte Corday ou Theroigne de Méricourt, mais il en est d'autres qui ont laissé une empreinte indélébile de bienveillance et de courage.
L'enfance espagnole de Térésa
« Ma vie est
un roman » disait Madame Tallien à la fin d'une existence qui en
avait contenu cent et milles, si différentes et palpitantes à
la fois. Un roman qui débute un peu comme un conte non loin de Madrid,
dans le château de San-Pedro de Caravenchel de Arriba, Après la
naissance de deux garçons, Marie-Antoinette Cabarrus donna enfin le jour,
le 31 Juillet de cette année 1773, à une jolie petite fille, nommée
Térésa. Elle fut une petite fille gracieuse et charmante qui savait
déjà séduire son monde. D'un seul sourire, elle avait déjà
une manière de vous regarder qui pardonnait tout, même l'impardonnable.
Sa mère se soucia pourtant peu de veiller sur elle, occupée qu'elle
était de mener sa maison et préoccupée qu'elle était
par les frasques madrilènes de son volage mari François Cabarrus
... Mais cela-ne-nous-regarde-pas ! et poursuivons nôtre conte:
La petite fille très éveillée apprit le français
avec ses parents, l'espagnol avec les domestiques, l'italien et des bribes de
latin en écoutant, accoudée à la fenêtre de la salle
d'étude, les leçons qu'un précepteur ecclésiastique
florentin dispensait à ses frères aînés. Bien sûr,
elle reçut l'éducation habituellement réservée aux
jeunes-filles qui consistait à leur enseigner tout juste quelques matières
artistiques et des leçons de maintien.
Teresa grandit ainsi, sagement en charme et en espièglerie ... A onze
ans, elle avait la taille et des manières d'une jeune-fille. Elle s'amusait
beaucoup à troubler le précepteur de ses frères ... La
future séductrice fourbissait et aiguisait ses armes !
Parlons un peu à présent de son père: François Cabarrus
n'était qu'un modeste banquier de Bayonne, quand il s'éprit d'une
jeune beauté Marie Antoinette qu'il enleva selon la meilleure tradition
romanesque, et qu'il épousa, de l'autre côté des Pyrénées.
Comme il était plein d'ambition, et quoiqu'il n'ait que vingt ans, il
se fixa le but de devenir le grand argentier du Roi d'Espagne.
En 1785, Térésa jusqu'alors élevée chez les religieuses
pu enfin regagner provisoirement le château familial. Bientôt, la
petite rayonna d'une telle beauté que ses propres parents en restaient
comme interdits. Scandalisé par l'attitude de son beau frère qui
faisait une cour sans vergogne à sa fille et sentant bien le tempérament
qui bouillonnait en Térésa, son père pressentait que le
plus petit scandale dans sa famille unirait ses ennemis aux conseillers religieux
du Roi d'Espagne. François Cabarrus prit une décision radicale;
il fallait éloigner sa fille au plus vite ! Etablir Teresa ne suffisait
pas pour conjurer cette menace, Madrid étant trop proche François
Cabarrus choisit Paris qui allait offrir a sa fille un foisonnement de beaux
partis. C'était donc décidé, résolu de surcroît,
à la bien doter et à la bien marier Marie-Antoinette, ses fils,
le précepteur et Teresa, étaient donc attendus à Paris
officièlement pour parfaire son éducation.
Térésa Cabarrus anonyme - Ecole française
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Paris .... Nous voila
La voici donc à Paris toute enivrée par le parfum de galanterie et les plaisirs de la capitale ainsi que par le regard appuyé de messieurs séduisants ou riches .... Elle adore plaire, agacer, affoler, En un mot Térésa suscite la curiosité masculine, attise l'intérêt, et entretien une certaine jalousie féminine. François Cabarrus quand a lui veut renforcer ses positions en France. En 1788, le 21 février, le mariage de sa fille avec Jean-Jacques Devin de Fontenay (1762-1817), conseiller à la troisième chambre des enquêtes du Parlement de Paris, s'impose. Elle a tout juste seize ans et peu à peu le conte du début évoluera et prendra une teinte plus sombre.
Madame Tallien - Marquise de Fontenay D'après Jean-Baptiste Isabey
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Malgré son engouement pour
les idées nouvelles, Térésa est présentée
officiellement à Louis XVI et la Cour. En Espagne, elle est reçue
chaleureusement par la famille royale qui ignore presque son mari ...
Elle tient salon dans le Marais dont elle est un fleuron. Elle reçoit
des grands noms comme Lameth, Mirabeau, la Fayette, Rivarol, Lepeltier de Saint-Fargeau
(son amant du moment) ...
Elle est initiée en 1789, à la " Loge Olympique " maçonnique.
Elle est inscrite au " Club de 1789 " où l'on défait
et refait le monde .... Elle s'essaye au tutoiement citoyen en ajustant sa cocarde
tricolore avec une certaine coquetterie.
L'union avec M. De Fontenay n'est pas idyllique, loin s'en faut, Devin de Fontenay
est un débauché et Térésa Cabarrus décide
que leur union ne serait plus que de façade. La rupture nette et définitive
est signifiée à Fontenay, lorsqu'il s'avise de ramener l'une de
ses maîtresses dans la couche conjugale. Qu'importe, l'amant en titre
qui console Teresa est alors le célèbre député Alexandre
de Lameth. Elle quitte le domicile conjugal; elle en retrouvera le chemin quand
Lameth fuira à l’étranger.
Dans la Révolution
A l'été 1792, Marat, Danton, Robespierre, Hébert, portés au pouvoir, le Roi déchu, les amis de Térésa, Barnave, Lameth, sont mis en accusation. Ajoutons que Devin de Fontenay a eu la très mauvaise idée d'acheter quatre cents mille livres le titre de marquis au début de l'année 1789: résultat, il tombe sous le coup du décret de la Convention qui déclare que les ci-devant conseillers au Parlement qui n'ont pas montré des opinions révolutionnaires doivent être jetés en prison. Début 1793, c'est le chaos, le Roi a été exécuté, ses amis de naguère ne sont plus en odeur de sainteté. Le danger règne partout, sous toutes les formes. Devin de Fontenay, avec qui elle est en instance de divorce, a dévoré toute sa dot. Une seule question taraude Térésa : Où fuir ?
Deux solutions s'offrent à elle :
- Rejoindre les Français
émigrés à l'Est mais ça ne lui semble pas la meilleure
idée qui soit : n'a t-elle pas applaudi à la prise de la Bastille
et dansé autour de l'arbre de la Liberté ? Elle a si allègrement
sacrifié à Vénus pour fêter l'aube nouvelle qu'on
l'a surnommée la maîtresse du Tiers-Etat.
- L'Espagne, ......sa patrie.....mieux vaut n'y plus songer, son père
a été arrêté pour malversations et mis en prison.
Et pourquoi pas Bordeaux
? Aprés tout elle a encore ses deux frères !!!! devant cette expectative
il n'y a à ce moment là pour Térésa aucune hésitation
, ce sera Bordeaux ! Le 6 mars 1793, elle quitte Paris avec son futur ex-mari
et son enfant. Dés son arrivée à Bordeau, Teresa retrouva
ses deux frères, leur oncle Galabert, et des amis à eux M. de
Colbert et M. de Lamothe. Elle décide alors d'un nouveau départ
et offre généreusement ses bijoux à Fontenay en lui disant
"être quitte de lui" et ne plus souhaiter le revoir....... Le
divorce sera prononcé le 25 avril 1793.
"Ma vie est un roman" disait elle......mais peu à peu la belle histoire..devient un roman noir; en cette année 1793 la situation politique empirait de jour en jour. La Convention avait chassé les députés Girondins. Ysabeau et Baudot avaient été envoyés de Paris comme commissaires pour la région de la Gironde . Ils furent reçus par des insultes, jets de pierres et boutés hors de la ville. Robespierre, devenu tout puissant à la tête de l'Assemblée comme du Comité de Salut public, prit le coup de sang devant les tentatives de contre-révolution. Il dépêcha des hommes durs et sans scrupules pour éliminer les adversaires de la Vertu: Lebon à Arras, Fouché à Lyon, le sympathique Carrier à Nantes qui aura l'idée novatrice de la noyade républicaine. L'Incorruptible réserva à Bordeaux un pur et dur, un septembriseur échevelé son nom: Tallien.
Pendant ce temps
à Bordeaux, la belle Térésa, intervenait auprès
des révolutionnaires pour faire libérer sa famille et les premières
victimes de la Terreur. Sentant la repression se mettre en place elle tente
en vain de regagner l’Espagne, elle est arrêtée début
décembre 1793 à Bordeaux en vertu de la loi des suspects. Laissée
aux mains de son geôlier, nous la retrouvons au fond d'une cellule immonde
du fort de Hâ, complètement abasourdie, perdue, envisageant toute
l'étendue de sa détresse et le péril qui la guette. Ses
beaux cheveux ont été coupés courts. Il faut l'avouer c'est
de sinistre augure. Il fait sombre, les rats et la vermine grouillent entre
ces murs suintant la crasse, et l'humidité. On est en décembre
1793, c'est dire s'il fait froid
Heureusement pourTérésa son emprisonnement sera de courte durée,
elle sera relâchée par le jeune commissaire de la Convention Jean-Lambert
Tallien arrivée à Bordeaux en octobre 1793. Tallien, après
avoir repris la ville, guillotiné le maire et rebaptisé le département
de la Gironde en Bec d'Ambès, mène alors un train de vie fastueux,
et se vautre dans un luxe insolent, s'adonnant à écouter les rapports
d'une oreille distraite. Peu lui importe le sort de tous ces condamnés
voués à la mort ..... Quand soudain, il entend prononcer "Térésa
Fontenay " le souvenir de cette beauté brune qui faisait les délices
d'Alexandre de Lameth vient le percuter de plein fouet, déstabilisant
pour un instant le jeune homme.... l’a t-il désirée?.....
Il y a quatre ans déjà !!!!! Sortant de sa stupeur Il demande
où est cette citoyenne? "A quoi bon", lui est-il répondu,
"elle sera guillotinée demain !"
Tallien décide de se rendre lui-même au fort de Hâ pour la faire libérer. Térésa s'en doute il y aura une contrepartie à cette libération: quand il paraît, à la prison la jeune femme évalue en un éclair l'étendue du sacrifice qu'elle doit consentir. En connaisseuse, elle admire sa taille athlétique, sa superbe. Elle comprend que ce jeune Conventionnel est son passeport pour la liberté, alors.... Alea jacta est ! A vingt ans tout juste, elle devient sans beaucoup rechigner la maîtresse en titre du premier personnage de Bordeaux, avec toute l'étendue d'influence que cela implique, car Tallien est ferré bel et bien. Il a cette femme dans la peau et fera tout pour assouvir ses quatre volontés. Le 30 décembre 1793, Bordeaux fête la reprise de Toulon aux Anglais. Tallien parade en grand uniforme de la République, au sommet d'un Temple de la Raison au fronton duquel on a gravé : " Montagne sainte, l'Univers attend de toi la Liberté ! " A ses côté resplendit Térésa que le bon peuple de Bordeaux idolâtre. Elle prononce un discours sur l'éducation, le patriotisme et la vertu, qu'elle a rédigé elle-même. Le public l'ovationne à pleins poumons ! Elle sera rapidement baptisée Notre-Dame-de-Bon-Secours pour son influence auprés de Tallien et les mesures de clémence qu'elle obtient.
A Paris, la liaison fit scandale, Tallien est rapellé à Paris en mars 1794 pour modérantisme et doit justifier son action à Bordeaux, Térésa le suit et elle est de nouveau arrêtée sur ordre du Comité de salut public. C’est à ce moment qu'elle fera la connaissance de celle qui deviendra l'impératrice des Français la douce Joséphine Tacher de Beauharnais. Cette arrestation rendre furieux Tallien et le déterminera à entrer dans la conjuration de Thermidor contre Robespierre. Le jeune commissaire de la Convention, entré au Comité de salut public le 13 thermidor, fera remettre en liberté sa maîtresse le 26 thermidor.
La belle Térésa devient Madame Thérésa Tallien
Dès lors il s'affiche ouvertement avec elle puis l'épouse, Térésa de par sa place dans la nouvelle société devint alors l'égérie de la Révolution Française. Ses toilettes extravagantes firent sensation ne cachant rien de sa beauté. Avec son amie Joséphine de Beauharnais, elle fait partie de ces « Merveilleuses » du Directoire. Elles lancent la mode néo-grec, des robes transparentes et aux mœurs légères.
Thérèsa Tallien est, avouons le, l’une des beautés de son temps, grande, élancée, brune, avec des yeux de jais. Elle conduit elle-même son élégante petite calèche, s’exerçant pour les courses qui vont bientôt reprendre au Bois. Elle se parfume à l’huile de néroli, parfum exotique et oriental et lance la mode des perruques blondes à bouclettes. Ces perruques, en cheveux véritables sont relativement bon marché à la pièce car fabriquées avec les cheveux des guillotinées… Si Thérésa est appréciée de Joséphine, Hortense de Beauharnais, la fille de Joséphine par contre, très comme il faut, ne l’aime pas en raison de ses mœurs trop légères. Reine de Paris, elle incarne un nouveau type de femme libre.
Mme Tallien au jardin des Tuileries Edouard Zier
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Plus elle étend son empire sur Jean-Lambert Tallien, plus elle gagne en influence antirévolutionnaire, Thérésa instaure de nombreuses mesures de clémence, dont le « bureau des grâces » qui sauve de l’échafaud nombre de têtes, ce qui lui vaudra ses surnom de Notre-Dame-de-Thermidor. Pressant Tallien de mettre un frein aux arrestations, faisant disparaître des actes d'accusation, des listes entières de suspects. Elle se dévoue sans ménager sa peine à tous les plus faibles, se faisant bienfaitrice des pauvres, garde-malade, institutrice bénévole, assurant sa protection à qui vient la demander, ne rebutant personne. Elle est partout, sur tous les fronts de la misère humaine. Notons que son activité contribua à discréditer Tallien vis à vis des Conventionnels, devenu Reine des Merveilleuses son époux perd petit à petit tout pouvoir. Thérésa s’en détache peu à peu à compter de 1795 et devient en 1797 la maîtresse de Barras le nouvel homme fort du moment puis du banquier Ouvrard. Elle ne divorcera de Tallien que le 8 avril 1802.
Barras présentant Mme Tallien et Joséphine de Beauharnais à Bonaparte Caricature de James Gillay 1805
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A partir d'octobre 1795, le général
Bonaparte croisera souvent Therésa Tallien lors de ses multiples visites
à Joséphine. Il écrira lui même à Barras "Un
petit baiser à Mmes Tallien et Châteaurenault, à la première
sur la bouche, à la seconde sur la joue". Ouvrard et Barras décrivent
une cours sans succès de Bonaparte auprés de Mme Tallien avant
de se rabattre sur Joséphine. Pour d'autre c'est Thérésa
qui aurait suggèrer à Bonaparte la liaison avec Joséphine.
On ne sait pas vraiment, Bonaparte est troublés à la fois par
leur beauté et manières et par leur proximité avec les
hommes de pouvoir.
Thérésa est généreuse et serviable envers Bonaparte
mais manque peut être un peu de délicatesse envers lui encore peu
à l'aise dans ce milieu. Un jour lui ayant fait fournir un nouvel uniforme
elle lui lance en l'acceuillant "Et bien, mon ami, vous les avez vos culottes
!"; La plaisanterie n’est pas du goût du futur Empereur. Le
9 mars 1796, Tallien et Barras sont les témoins du mariage civil de Joséphine
et Bonaparte et bien entendu Thérésa y est présente.
En 1799 Le coup d'Etat de Brumaire signera la fin de sa vie politique. Bonaparte
ne l'admet pas à sa cours ni sous le Consulat ni sous l'Empire. Il écrit
un jour à Joséphine : « Je te défends de voir madame
Tallien, sous quelque prétexte que ce soit. Je n'admettrai aucune excuse.
Si tu tiens à mon estime, ne transgresse jamais le présent ordre
».
Exclue de la vie publique elle devient l'amie de Madame de Staël chez qui elle rencontre le jeune comte de Caraman, futur prince de Chimay, qu'elle épousera en août 1805. Retirée dans son château de Chimay, Notre-Dame de Thermidor aura onze enfants, et terminera sa vie en bonne mère de famille. Elle meurt en 1835.
Cependant La belle Térésa
l'égérie de la Révolution restera dans nos mémoires
Madame Tallien........un nom qu'elle aurait tant voulu faire oublier.
Térésa Tallien en 1804 François Gérard
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