2 novembre 1789
Nationalisation des biens du clergé

 

 

Le contexte

L'un des principaux problèmes qui apparaît dans les premiers mois de la Révolution concerne les recettes fiscales. En 1788 les fermes avaient eu un rendement de 153 millions alors qu'en 1790 leur rendement ne s'élève qu'à 18 millions de livres soit seulement 11%. Le problème ne vient pas d'un budget déséquilibré puisque les dépenses restent relativement stables passant de 731 millions en 1789 à 822 millions en 1791 mais plutôt de la trésorerie. Le déficit du trésor s'accroissant donc de mois en mois, il était impératif de pallier aux problèmes financiers de la France : « Vous délibérez. Et la banqueroute est à vos portes ! » tonnera Mirabeau avec raison. Les tentatives d'emprunt de Necker lancé en août 1789 l'un de 30 millions l'autre de 80 millions avaient échouées ne rapportant que le cinquième des sommes espérées, les nouveaux impôts ainsi que la contribution patriotique ne rentreront pas avant 1793, les dons patriotiques encouragés par les députés qui apportaient les boucles d'argents de leur soulier avaient tout juste rapporter 1 millions en mars 1790, la banques d'escompte à laquelle l'Etat devait déjà 155 millions hésitait à s'engager d'avantage. Le pays étant acculé, il fallait bien se résigner à prendre l'argent où il se trouvait : dans les coffres du clergé. Louis XIV lui même n'avait il pas écrit : « Les rois sont seigneurs absolus de tous les biens tant des séculiers que des ecclésiastiques pour en user comme sages économies, c'est à dire selon les besoins de l'Etat » .

La fortune de l'Eglise était considérable et tentait depuis plus d'un siècle certains hommes d'état. Les derniers scrupules pour s'emparer de cette fortune pouvaient maintenant tomber. Constituée en partie par la volonté des mourants, la fortune du clergé n'était qu'un dépôt des fidèles donc des citoyens entre ses mains et l'Etat donc les citoyens avaient maintenant besoin de cet argent. Un autre groupe de Constituants, qu'on pourrait qualifier d'anticatholique, poussait également dans ce sens. Ce groupe là trouvait intéressant de brouiller le clergé avec la Révolution et en ruinant l'Eglise de détruire le corps ecclésiastique. Rabaud Saint-Etienne dira au lendemain du vote sur la nationalisation : « Le clergé n'est plus un ordre ! Il n'est plus un corps, il n'est plus une république dans l'empire .... Les prêtres pourront marcher à la cadence de l'Etat. Il ne reste plus qu'à les marier » Ce même groupe agira avec le même but lors de la Constitution civile du clergé.

 

 

La motion Talleyrand-Mirabeau : Mise à disposition des biens du clergé

La proposition initiale
La proposition initiale allait cependant être émise dans les rangs du clergé lui même par l'évèque d'Autun, Talleyrand, qui proposa le 10 octobre 1789 la possibilité de mettre à disposition de l'Etat les biens ecclésiastiques qui se montaient selon les estimations entre 2 et 3 milliards de livres argumentant « Le clergé n'est pas un propriétaire à l'instar des autres propriétaires puisque les biens dont il jouit et dont il peut disposer ont été donnés non pour l'intéret des personnes, mais pour le service des fonctions. »

Deux partisans de la nationalisation des biens de l'Eglise.

A gauche l'évèque d'Autun Talleyrand
A droite le comte de Mirabeau

 

Les débats à l'Assemblée
Dès le lendemain Mirabeau appuyait cette proposition précisant que cette expropriation serait accompagnée d'une indemnisation sous forme de traitements, l'Etat prenant à sa charge les frais de culte. Les premiers chiffres évoqués,1200 livres par an pour un curé, bien supérieurs à la portion congrue des curés (environ 500 livres annuel) suscitèrent l'intérêt de ceux-ci.

Une partie du clergé tenta de contrer la proposition avec vivacité. Celui-ci avait abandonné les dîmes d'un rapport de 120 millions par an mais refusait de livrer ses biens d'un revenu cependant inférieur estimé à 80 millions annuel. L'abbé Maury, fidèle à son habitude, combattit la proposition avec véhémence menaçant les usuriers et les juifs qui s'apprêtaient à saisir les donations des fidèles ou tentant d'effrayer la bourgeoisie « Messieurs les bourgeois, la propriété est une et sacrée pour nous comme pour vous. Nos propriétés garantissent les vôtres. Nous sommes attaqués aujourd'hui, mais ne vous y trompez pas, si nous sommes dépouillés, vous le serez à votre tour. ». L'abbé Sieyès argumentait que les biens ont été donnés au clergé à condition qu'il s'acquitte de certaines charges et que si rien ne peut être relevé contre lui sur ce plan alors on ne peut le déposséder de ces biens. Mgr Boisgelin, archevêque d'Aix, fit remarquer avec raison que les biens n'avaient pas été donnés à l'Eglise mais à diverses institutions, abbayes, cures, hôpitaux, collèges pour des objets et des actions précis. Le Chapelier rétorqua que le clergé n'exerçait « ... qu'une stérile et dangereuse charité propre à entretenir l'oisiveté et le fanatisme. ... la Nation, au contraire, établira dans ces maisons de prière et de repos des ateliers utiles à l'Etat où le pauvre trouvera sa subsistance avec le travail; il n'y aura plus de misérables que ceux qui voudront l'être. » et plus politiquement il précisa aussi l'idée qui guidait tout un groupe « il était impolitique que les grand corps eussent des propriétés ». Le 31 octobre Boisgelin qui regrettera plus tard que le clergé n'eut pas proposé lui même de cautionner un emprunt à la Nation proposera en vain une avance de 400 millions.

 

Deux opposants à la nationalisation des biens de l'Eglise.

A gauche l'abbé Maury.
A droite le cardinal de Boisgelin

 

Le vote final
Le vote final eut lieu le 2 novembre 1789, la motion Talleyrand-Mirabeau fut adoptée par 568 voix contre 346 voix, il y eu 40 votes nuls et environ 300 députés absents ou émigrés à l'étranger. La motion décrétait en ces termes:

  1. « Que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la Nation, à la charge de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d'après les instructions des provinces. »
    et en contre-partie de cela
  2. « Que dans les dispositions à faire pour subvenir à l'entretien des ministres de la religion, il ne pourra être assuré à la dotation d'aucune cure moins de 1200 livres par année, non compris le logement et les jardins en dépendant. »

Le pressoir.

2 novembre 1789

Gravure populaire sur la confiscation des biens du clergé

 

 

Les assignats : La liquidation des biens du clergé

Emission des premiers assignats
Environ deux milliards de livres de biens étaient ainsi mis entre les mains de l'Etat. Necker alors ministre des finances en était presque encombré car la liquidation de cette fortune en immense majorité foncière lui paraissait très difficile. Cette masse de biens jetés sur le marché dans une période d'insécurité n'allait-elle pas entraîner une dépréciation de la propriété ?

L'Assemblée décida par décret la création d'une Caisse de l'extraordinaire destinée à encaisser tous les fonds issus de la contribution patriotique et de la vente des biens de l'Eglise. Ses ressources devaient servir à satisfaire les besoins de trésorerie et ultérieurement à payer le remboursement de toutes les dettes de l'Etat. La loi du 19 décembre 1789 autorisait l'émission de 400 millions d'assignats (billets de 1000 livres exclusivement portant intérêt à 5% assigné sur une première tranche de 400 millions de biens du clergé) dont la vente alimenterait cette caisse.

Sous cette forme l'assignat n'était donc qu'une valeur mobilière, sorte de bon du Trésor, gagée sur les biens de l'Eglise. Le principe de fonctionnement en était fort simple; toute personne désirant acheter des biens nationaux ne pouvant le faire qu'au moyen des assignats, il fallait donc avant tout que les particuliers achètent des assignats auprès de l'État, c'est ainsi que la rentrée d'argent se faisait. Une fois la vente effectuée, de retour dans les mains de l'État, les assignats devaient alors être détruits. Par ce moyen, la rentrée d'argent frais était bien plus rapide que s'il fallait attendre que les biens soient véritablement vendus.

Assignat de 1000 livres

 

L'une des premières emissions.


Rapport Chasset du comité des dîmes et Nationalisation des biens du clergé - 14 avril 1790
Au début de 1790 la vente des biens démarre très difficilement d'une part à cause de l'insécurité générale et d'autre part entravée par les scrupules religieux, le clergé ouvertement hostile menaçant en chaire quiconque oserait acquérir les biens de l'Eglise. La motion Talleyrand-Mirabeau ne prévoyait en effet que la mise à disposition des biens du clergé à la Nation. Le clergé qui en gardait toujours l'administration ne désespérait donc pas de conserver la jouissance de la majeure partie de ces biens sur lesquels la Nation se contenterait de faire les ventes nécessitées par les besoins du Trésor.

Le décret du 17 mars 1790 donna un coup de pouce aux ventes en décidant un transfert des biens aux municipalités, peu de gens en effet n'osaient acheter les biens de l'Eglise alors qu'ils le firent sans scrupules de ses mêmes biens désormais municipaux. La première, la municipalité de Paris offrit d'acheter pour 200 millions les biens de 27 maisons religieuses, rapidement d'autres communes suivirent son exemple.

Afin d'accélérer encore le processus de ventes l'Assemblée Constituante va ôter au clergé l'administration de ces biens. Le 10 avril 1790 Chasset (Comité des dîmes) appuyé par Prieur de la Marne demande à ce que les biens ecclésiastiques soient placés sous séquestre et qu'ils soient mis à disposition de la nation. Boisgelin tente un ultime effort de conciliation en proposant que la fortune de l'Eglise serve de gage à un emprunt de 400 millions. Mais à ce moment la majorité de l'Assemblée était devenu plus hostile à l'Eglise, quand au clergé se sentant menacé il montrait des dispositions moins favorables à la Révolution qu'à l'automne 1789, la motion fut repoussé par 495 voix contre 400 et le 14 avril 1790 l'Assemblée votait la nationalisation des biens et comme contre-partie l'établissement d'un budget des cultes qui rendait le clergé dépendant de l'Etat.

L'ère périlleuse de la monnaie-assignat
Dès leur création les assignats sont loin de faire l'unanimité au sein de l'Assemblée Constituante, certains députés comme Talleyrand, Condorcet, Du Pont de Nemours ou encore l'abbé Maury rappelant la banqueroute du système de Law sont entièrement contre. Pour eux, le problème majeur de l'émission d'assignats sera de ne pas émettre plus d'assignats que la valeur des biens nationaux. Or, à cette époque, les billets sont facilement falsifiables (l'angleterre en emettra des millions pour financer la contre-révolution), il y a donc un fort risque de retrouver en circulation une quantité bien plus importante d'assignats que ceux émis par l'Etat lesquels par ailleurs ne rapporteraient rien à la Caisse de l'extraordinaire. Si un tel cas se produisait ou si l'Etat émettait plus d'assignats que la valeur des biens nationaux, l'assignat perdrait rapidement toute valeur et toute crédibilité.

Malgrès ces craintes le décret du 17 avril 1790 donnait à l'assignat valeur de monnaie et ramenait son intérêt à 3%. Cette loi fut votée après plusieurs jours de débat houleux lors desquels l'abbé Maury prédit à l'assignat une destinée orageuse et une banqueroute finale et Pétion déclara « ... le bienfait des assignats sera d'assurer la Révolution ... » tout deux avaient raison : l'assignat failli ruiner la France mais assura la Révolution.

A partir de cette date et jusqu'à la destruction de la « planche à billets » en 1796 la machine s'emballe, l'État, toujours à court de liquidités, utilisera l'assignat-monaie pour toutes ses dépenses courantes. Necker, résolument contre la transformation de l'assignat en papier-monnaie, donnera sa démission le 3 septembre alors que le 29 septembre 1790, une nouvelle émission de 800 millions était décrétée, avec l’engagement solennel de la Nation que ce total de 1.200 millions ne serait pas dépassé. A cette occasion l’intérêt des assignats sera supprimé et l’on instaurera des coupures plus petites, commençant à 50 livres. La diffusion des assignats etait facilitée par ces mesures mais la défiance augmentait. Les monnaies d’or, d’argent et même celles de bronze disparaissent de la circulation pour être thésaurisées. Il se pratique alors deux prix : l’un en assignat, l’autre en espèces. Seulement, personne ne veut plus payer en numéraire y compris pour les petites sommes. Les coupures de 50 livres sont encore trop grosses, le commerce est asphyxié.

En mai 1791 l’Assemblée décrétera la fabrication d’assignats de 5 livres pour une valeur de 100 millions puis de nouvelles émissions de petites coupures entre 5 et 25 livres auront lieu durant l’année 1791. Un nouvel effort sera fait en janvier 1792 avec la création de coupures comprises entre 10 et 50 sous, destinées à être échangées contre des assignats de valeurs plus importantes. A ce moment, le cours de 100 livres d’assignats ne sera plus que de 77 livres en numéraire, soit une décote de 23 %.
L’inquiétude monte, beaucoup d’émigrés sont partis, la crise du commerce est patente, la guerre couve… La situation s’aggrave encore en 1792. En effet l'Etat ne détruit plus les assignats qu'il récupère; pire même, il imprime plus d'assignats que la valeur réelle des biens nationaux.
En octobre de cette année 1792 le montant maximum des assignats en circulation est augmenté à 2,4 milliards puis porté à 3,1 milliards de livres en février 1793. Les impôts rentrent de moins en moins, la spéculation s’étend partout. Le cours de 100 livres en assignats tombe à 22 livres en août 1793. Quelques efforts sont faits pour réduire le volume des assignats en circulation, notamment par l’emprunt forcé de l’été 1793 ou la démonétisation des assignats à effigie royale. Mais aussitôt après, de nouvelles émissions augmentent à nouveau la masse en circulation. Celle-ci atteint ainsi 8 milliards de livres au début 1794. Après Thermidor l’inflation s’accélère. Les premiers assignats en Francs sont décrétés le 7 janvier 1795. Leur valeur faciale de 100, 750, 1000, 2000 et 10.000 F témoigne à elle seule de la dérive des prix. Le cours de 100 livres en assignats tombe à 18 livres en numéraire, soit une perte de 82 %… ce cours passera à 3,20 en juin 1795 pour finir à 0,46 en janvier 1796, soit une chute abyssale de 99,5 %. A cette époque là, le plafond d’encours aura alors atteint la somme abyssale de 42 milliards d’assignats.

Assignat de 300 livres - 1791

Faux assignat de 300 livres - 1791

Assignat de 15 sol - 1796

Assignat de 10000 Francs - 1795

 


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Conséquences de la nationalisations des biens de l'Eglise et de l'émission des assignats

Les semaines et les mois passant, la vente des biens nationaux aura pour conséquence d'attacher à la Révolution de solides défenseurs en la personne de ceux qu'elle aura enrichi. La définition et la diffusion même de l'assignat facilitera l'énorme opération de transfert de propriété qui allait être mise en place. Thomas Lindet dira : « Les assignats ne tarderont pas à être dispersés et quiconque en sera porteur deviendra malgré lui le défenseur de la Révolution.»
Cependant la mesure de nationalisation, en obligeant le législateur à salarier le prêtre le liera d'une façon bien gênante en le mettant pour de longues années dans l'impossibilité, sans commettre un évident déni de justice, de séparer l'Eglise de l'Etat.


Dans l'immédiat une autre conséquence sera de détacher une part importante du clergé de cette Révolution qu'il avait plutôt favorisé que combattu. Même les curés les plus favorables au régimes comme Grégoire restèrent eux aussi un moment décontenancés face à la mesure. La dissolution des ordres religieux allait également exacerber leur ressentiment. Condorcet, lui même, peux suspect de tendresse envers le clergé estimera plus tard que l'opération avait été mené « sans équité et sans prudence » et, que faisant des prêtres « des victimes » on avait aliéné une force à la Révolution.


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12 juillet 1790
Constitution civile du clergé

 

 

Besoin de réformer le clergé

« L'Eglise est dans l'Etat : nous sommes une Convention; nous avons assurément le pouvoir de changer la religion mais nous ne le ferons pas. » dira le jansénisme Camus. « Quand un souverain croit une réforme nécessaire, rien ne s'y peut opposer. Un Etat peut admettre ou ne pas admettre une religion. » énoncera le juriste Treilhard. Tous deux, farouches partisans de la constitution civile du clergé, proclament ainsi le droit de la Nation a réformer la religion.

Pourquoi ce besoin de réformer la religion en été 1790 alors que la grande masse du clergé ne perturbe pas vraiment la marche de la Révolution ? Certes l'enthousiasme de 1789 a baissé dans les rangs des plus humbles mais dans l'ensemble la majorité des curés et plusieurs évêques restaient fidèles, en dépit de la nationalisation des biens, aux principes de 1789. La papauté en la personne de Pie VI se taisait, se contentant de gémir contre les atteintes au domaine ecclésiastique de l'Eglise de France. Alors pourquoi une telle réforme et cette intervention du pouvoir temporel dans le domaine mystique ? Déjà le 13 février 1790 les voeux religieux avaient été abolis; les ordres monastiques comme les Carmes ou les Bénédictins disparaissaient et seules les congrégations hospitalières ou enseignantes subsistaient.
L'évèque de Clermont, Bonal, dénonçait alors « ... cette autorité qui rompt seule les barrières qu'elle n'a pas placée. ... [qui], sans le concours de l'Eglise, accorde la liberté à des hommes qui se sont librement engagés. » et Barnave méprisant ses remarques rétorquait « Il suffit que l'existence des moines soit incompatible avec les besoins de la société pour décider leur suppression. » Deux conception diamétralement opposées s'opposaient l'une fondée sur l'utilité sociale l'autre sur le mysticisme.

Abolition des ordres religieux

 

Décret du 13 février 1790.


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La loi sur la Constitution civile du clergé

La proposition de réforme de la commission Martineau.
Faisant suite à la Nationalisation des bines du clergé, la reforme que propose la commission Martineau le 21 avril 1790 va encore plus loin dans l'intervention de l'Etat au sein de l'Eglise. Elle s'oriente sur trois axes :

Une réforme était certes nécessaire et s'imposaient même aux catholiques les plus intransigeants. Plusieurs solutions s'offraient à l'Assemblée. L'une d'entre elles consistait à laissée l'Assemblée préciser certains points de la réforme comme la délimitation des diocèses et des paroisses ou la participation des fidèles dans le choix des pasteurs. Sur une telle base le roi et une représentation de l'Eglise de France pouvait négocier avec Rome et ainsi réviser le Concordat. Une autre solution aurait été de séparer l'Eglise et l'Etat comme cela sera fait en 1795. Aucune de ces deux solutions ne sera retenue, les Constituants de 1789 souhaitant à la fois être les seuls décideurs de l'avenir de l'Eglise de France et maintenir le catholicisme religion d'Etat.

La solution proposée et retenue sera de créer de toute pièce une Eglise d'Etat indépendante de Rome. Le 29 mai 1790 les débat s'ouvraient à l'Assemblée sur la proposition de constitution civile rapportée par Martineau. Ils dureront six semaines sans cesse coupés par d'autres discussions et aboutiront le 12 juillet 1790 au vote de la loi.

Martineau résumait ainsi la réforme : les anciennes circonscriptions diocésaines seraient abolies et remplacées par 83 diocèse; un évêque par département dont dix métropolitains (nouvelle dénomination des archevêques) pour Rouen, Reims, Besançon, Rennes, Paris, Bourges, Bordeaux, Toulouse, Aix et Lyon; les paroisses seraient soumises à une nouvelle délimitation et 4 000 d'entre elles supprimées; évêques, vicaires épiscopaux, curés seraient élus par le corps électoral du département ou de la commune; l'institution canonique conférés aux curés par les évêques, aux évêques par le métropolitain. De Rome pas un mot, le triomphe du Gallicanisme. En contrepartie de cela le catholicisme demeurait religion d'Etat et les traitements des ecclésiastiques pris en charge par la Nation serait élevés : 50 000 livres pour l'évêque métropolitain de Paris, entre 12 000 et 20 000 pour les autres évêques et entre 1 200 et 6 000 livres pour les curés selon l'importance de la cure. Ces réformes en soit n'étaient pas inacceptables par l'Eglise, la réorganisation récente de Joseph II d'Autriche dans ses états du Saint-Empire était bien plus brutale, cependant deux problèmes fondamentaux restaient insolubles:

  1. Le pouvoir temporel avait il le droit de modifier les circonscriptions ecclésiastiques ? Camus précisait « Nous n'avons pas toucher au dogme. Nous n'avons fait que modifier la géographie. » ce à quoi Jabineau répondait « Un territoire n'est pas une réunion de maisons et de champs; ce sont des personnes, des êtres spirituelles, des âmes. » autrement dit la puissance civile ne pouvait instituer des bornes au pouvoir spirituel.
  2. L'Assemblée Nationale pouvait elle supprimer unilatéralement le concordat de 1516 ? Avaient elle le droit de rompre un lien établit entre le pape et les évêques ? Une telle réforme ne pouvait être le fait d'une décision unilatérale de l'Etat, elle devait être approuvé par une autorité spirituelle.

Pour le clergé français seule l'autorité spirituelle de l'Église pouvait mettre en oeuvre de telles réformes, or si le clergé s'accordait sur les droits exclusif de cette autorité deux théologies s'opposaient sur son exercice: la romaine la réservait au pape et à la Curie Romaine, la gallicane aux évèques de France réunis en concile.
De part cette division le clergé fut assez médiocre lors des discussions à l'Assemblée. S'il reconnaissait la nécessite de la révision du Concordat de 1516, et le manque de probité de certains de ces membres, certains évêques dont quelques-uns siégeant à l'Assemblée étaient des abus vivants, il était désarmé lorsqu'il s'agissait de défendre les droits de Rome car étant en majorité Gallican, il se préoccupait essentiellement des libertés de l'Eglise gallicane. Mgr Boisgelin et Mgr Francois de Fontanges, qui dirigeaient le Comité des Evêques, proposèrent la réunion d'un concile national pour discuter des réformes et les faire accepter du pontificat Romain. La Constituante se montra irréductible en n'acceptant pas cette primauté. La loi fut donc voté par l'Assemblée le 12 juillet et transmise le jour même à la sanction royale
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Mise en application de la loi:
Ne pouvant faire autrement Louis XVI ne put que sanctionner la loi le 22 juillet 1790 la mort dans l'âme.
Au cours de l'été et de l'automne 1790 la constitution civile se publiait en province cependant les évêques lui opposaient la force d'inertie lorsqu'il fallait dissoudre les chapitres. Pie VI ne se prononçant pas officiellement sur la Constitution civile, la Constituante ne pouvait attendre indéfiniment un accord de toute façon très improbable du « Saint-Siège ». L'idée d'acculer prélats et curés à la reconnaissance formelle de la loi se propageait. Le clergé devrait alors prêter serment à la nouvelle loi sur la constitution civile, un refus équivaudrait à une démission, une opposition violente exposerait à des poursuites. Le 27 novembre le décret de serment était voté. Le 3 décembre Louis XVI suppliait Pie VI de donner son assentiment au deux lois mais celui-ci répondait le 14 que c'était impossible et que ce faisant le roi encourrait la désapprobation de l'Eglise universelle mais aussi de l'Eglise gallicane.

Giannangelo, comte Braschi


1717 - 1799

pape sous le nom de Pie VI du 15 février 1775 à sa mort à Avignon.


Pendant ce temps la Constitution Civile ayant créés de nouveaux sièges on convoqua les électeurs et deux nouveaux évêques furent élus l'un dans les Ardennes l'autre dans la Mayenne. Le 20 décembre Louis XVI était sommé de sanctionner le décret sur le serment des prêtres. Sur les conseils de Boisgelin et de son ancien ministre et ami Saint-Priest Louis XVI donna sa sanction le coeur déchiré le 26 décembre 1790 :
« Par décret de l'Assemblée nationale, et conformément à la constitution civile du clergé en date du 24 août 1790, tous les ecclésiastiques prêteront le serment exigé un jour de dimanche après la messe, en présence du conseil général de la commune et des fidèles. Ceux qui ne le prêteront pas seront réputés avoir renoncé à leur office et il sera pourvu à leur remplacement. »

Le serment était le suivant : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles de la paroisse qui m'est confiée, d'être fidèle à la nation, à la loi, au roi et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le Roi. »

Le serment devait être prêté 8 jours après, soit le 4 janvier 1791. L'Assemblée s'attendait à ce que la grande majorité du clergé obéisse et prête serment. Elle se trompait. Le 4 janvier 1791, la majorité du clergé élut à l'Assemblée refusait de prêter serment, seuls 2 évêques sur 49 et un tiers des curés prêtaient serment à la constitution civile.

Le 7 janvier, commencèrent les serments dans tous le pays. Ils furent échelonnés tous les dimanches de janvier et février 1791, à des dates différentes selon les diocèses. Sept évêques seulement (dont 3 in partibus) et environ la moitié des curés jura mais pour se rétracter en partie dès que Pie VI eut fait paraître la condamnation papale prononcée contre la Constitution Civile. Les membres du clergé qui n'étaient pas rattachés à une paroisse (environ cent mille ecclésiastiques et religieux "non-utiles"), furent contraints de prendre une retraite forcée ou alors de rejoindre les rangs du clergé de paroisse en prêtant serment.

Le clergé était ainsi coupé en deux, les prêtres constitutionnels, et les prêtres réfractaires, c'était le schisme. Les proportions de curés jureurs dépendaient très fortement des régions, beaucoup jurèrent en définitive pour maintenir la religion sur le territoire, pour répondre aux voeux de leurs paroissiens et également dans les campagne pour ne pas se prononcer en faveur du seigneur contre les paysans libérés des droits féodaux.

La réponse officielle du pape Pie VI:
Le pape Pie VI fit connaître sa réponse officielle par les brefs Quod aliquantum du 10 mars 1791, et Caritas du 13 avril 1791. Il s'opposait sur certains points à la Constitution civile du clergé qu'il considérait comme hérétique, sacrilège, et schismatique. Il demandait aux membres du clergé n'ayant pas encore prêté serment de ne pas le faire, et à ceux qui avaient déjà prêté serment, de se rétracter. On peux reprocher à Rome sa réaction très tardive par rapport aux événements. Ce retard aurait laissé les prêtres et les évêques dans l'embarras pour la conduite à tenir par rapport au serment de fidélité à la Nation, à la loi, au roi, créant un malaise dans les provinces françaises durant les six premiers mois de l'année 1791, et conduisant à un véritable schisme de l'Eglise mais également à une rupture entre la Révolution et l'Église catholique.

Ce point pas encore trés clarifié à l'heure actuelle fait l'objet de discussions de la part des historiens des religions. En effet, dans un bref en date du 2 avril 1792, Pie VI lui-même écrivit qu'on s'était servi de son nom pour troubler les consciences et semer la discorde en France en fabriquant des bulles qui défendaient de prêter serment de fidélité à la patrie. À trois reprises, par décret, l'Inquisiteur général d'Espagne condamna comme faux le bref du 10 mars 1791.


Conséquences, suites et fin de la Constitution civile:
Pour remplacer les prêtres réfractaires, il fallut élire de nouveaux prêtres : 80 évêques furent élus et environ 20 000 prêtres furent remplacés. L''abbé Grégoire, curé et député, qui avait participé à la rédaction du projet de constitution civile du clergé, fut élu évêque constitutionnel, et devint le chef de l'église constitutionnelle de France.

La plupart des prêtres réfractaires prirent le parti de la contre-révolution et les patriotes suspectèrent les ecclésiastiques, engendrant des haines passionnées. De très nombreux catholiques, paysans, artisans ou bourgeois qui avaient soutenu le Tiers état, rejoignirent ainsi l'opposition. Ces questions engendrèrent un mouvement de méfiance profonde dans le peuple, surtout dans l'ouest de la France (Bretagne, Vendée), et engendra les guerres liées à la contre-révolution.

En 1793 et 1794, des mesures de déchristianisation se poursuivirent en France , avec le développement du culte de la Raison et de l'Être suprême, et la fermeture des églises au culte de mai 1793 à novembre 1794. Les prêtres réfractaires furent l'objet d'une sévère répression, notamment sous la Terreur, et furent confondus à cette période avec les autres, les prêtres constitutionnels (ou assermentés, ou jureurs).

Le 18 septembre 1794 Cambon fait supprimer par raison d'économie le budget de l'Église assermentée; de ce fait la Constitution civile du clergé était ainsi implicitement rapportée et l'État complètement laïcisé. Cinq mois plus tard, la Convention thermidorienne confirme cette séparation en votant, le 21 février 1795, le décret sur la liberté des cultes :


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Pour compléter ce dossier quelques liens intéressants :

Sur la confiscation des biens du clergé et les assignats:

Hérodote.net - Le portail de l'Histoire

Encyclopédie Wikipedia - Portail de la révolution française

Sur la constitution civile du clergé:

Hérodote.net - Le portail de l'Histoire

Encyclopédie Wikipedia - Portail de la révolution française

 

Situé l'évènement sur www.revolution-francaise.org


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