Le Directoire

 

Les débuts du Directoire
octobre 1795 - septembre 1797
Brumaire an IV - Fructidor an V

Le Directoire
(Le cul par terre entre deux chaises - Caricature d'époque jugeant sévèrement les erreurs et les faux-pas du Directoire)

La mise en place du Directoire

Le personnel politique

La continuation dans la stabilisation
Il n'y eut pas de rupture entre la convention thermidorienne et la nouvelle période qui commençait. Le nouveau régime mis en place par cette convention allait être dirigé par les mêmes hommes et serait confronté aux mêmes problèmes. La nouvelle constitution de l'an III ne résoudrait pas plus qu'elle n'enrayerait l'effondrement de l'assignat, l'aggravation de la disette ou la guerre.
Le Directoire est une période politique complexe assez méconnue qui a souffert de beaucoup de discrédit. Cette période est mal-aimée des Républicains à cause de la fragilité politique de la constitution de l'an III, de la guerre souhaitée et voulue par une bourgeoisie qui ne pense qu'à s'enrichir à tout prix. Elle est également dénoncée par les Bonapartistes qui, en accentuant les problèmes de ce régime, mettent en valeur l'œuvre de Bonaparte.
La politique centrale du Directoire aura pour but de stabiliser puis de terminer la Révolution en jouant une position centrale d'arbitrage entre les deux forces qui menacent la République les jacobins à gauche, les royalistes à droite.

Les nouveaux conseils et le Directoire
Le 27 octobre 1795 (5 brumaire an IV) à l'issue des élections, 511 conventionnels avaient finalement retrouvé leurs sièges, parmi eux 195 régicides. 167 d'entre eux furent tirés au sort parmi les plus de quarante ans mariés ou veufs et rejoignirent 63 nouveaux élus choisis de la même manière parmi les 230 nouveaux venus. Ils formeraient le Conseil des Anciens. Les autres furent appelés à siéger au Conseil des Cinq-Cents.
Essayons de voir la composition de ce corps législatif. Sur 741 députés (511 anciens/230 nouveaux), nous trouvons environ 160 royalistes (73 royalistes constitutionnels et 90 royalistes absolus), 220 républicains modérés, 240 républicains "bon teint" et une soixantaine de républicains "avancés" ou exclusifs. Si l'on ne regarde que le nouveau tiers élu on compte près de 120 royalistes et seulement 45 républicains. Les chiffres sont éloquents, la poussée à droite parmi les nouveaux venus était extrêmement forte et la volonté des électeurs ne pouvait être plus clairement bafouée.

Les Cinq-Cents, robe blanche, ceinture et toque bleues, manteau écarlate, s'installèrent aux Tuileries dans l'ancienne salle de la Constituante dite salle du manège avant de prendre possession du Palais-Bourbon en 1798.

Les Cinq-Cents

 

Intérieur de la salle du Conseil des Cinq-Cents.
(Musée Carnavalet Paris)

 

 

Les Anciens, robe et toque violettes, ceinture écarlate et manteau blanc, occupèrent la salle de la Convention aux Tuileries.

Les Anciens

 

Intérieur de la salle du Conseil des Anciens.
(Bib. nat. Paris)

 

Le 31 octobre 1795 (9 brumaire an IV), sur proposition d'une liste de cinquante Anciens fournie par la chambre des Cinq-Cents, les Anciens élirent les cinq Directeurs, grand costume de satin, manteau "à la François 1er", chapeau rouge à panache, dentelle, écharpes, bas de soie, souliers à bouffettes.

Les Directeurs

 

A gauche Barras en costume de Directeur.
A droite La Revellière-Lépeaux en costume de président du Directoire
(Bib. nat. Paris)

 

Furent élus La Revellière-Lépeaux avec 216 voix, Letourneur 189 voix, Reubell 176 voix, Sieyès 156 voix et Barras avec 129 voix. Le 3 novembre 1795 (12 brumaire an IV) les 4 directeurs, Sieyès refusant son poste ne sera remplacé par Carnot que le lendemain, prirent possession du palais du Luxembourg. Parti des Tuileries, le cortège miteux, escorté par une garde piteuse d'environ trois cents hommes fut reçu par le concierge des lieux qui les installa tant bien que mal dans un petit cabinet dénué de mobilier et de chauffage, La Revellière-Lépeaux qui décrit de façon pittoresque l'installation des Directeurs termine son récit par ces mots : "la situation des choses paraissait si désespérée qu'on ne croyait pas à la durée de notre existence politique, aussi personne ne s'empressait de nous servir".

La mise en place du nouveau gouvernement
Les Directeurs se répartissent les taches comme sous le Comité de Salut Public.
Reubell prend la diplomatie, Carnot assisté de son ami Letourneur la guerre, La Revellière-Lépeaux l'instruction et la religion et Barras les affaires intérieures. Le ministère composé de 6 ministres est rapidement nommé mais la mise en place des administrations locales ne se fit pas sans heurt. Dans certains départements, le Directoire dut casser plusieurs administrations. Les commissaires du Directoire furent choisis dans la bourgeoisie qui avait joué un rôle pendant la révolution : ainsi se dessinait ce gouvernement de notables qui allait diriger les départements et provinces tout au long du XIXème siècle.

Le programme politique du Directoire sera la satisfaction de ce groupe de personnes en quête de respectabilité. Les sociétés politiques sont nombreuses, les clubs se reconstituent à Paris dès septembre 1795. A gauche le plus important est le club du Panthéon qui accueille des artisans, des militaires et quelques bourgeois. A droite on trouve le club de Clichy qui accueille des royalistes et quelques modérés. Dans ces premiers mois du Directoire la liberté de la presse est à peu près respectée, des journaux extrémistes comme le "Tribun du Peuple" de Babeuf ne sont pas inquiétés. Il en est de même pour la liberté religieuse fort peu inquiétée malgré une législation certes répressive mais peu appliquée.

La crise des subsistances et les problèmes financiers

Le problème des subsistances avait joué un rôle majeur dans les émeutes qui avait menacé la Convention thermidorienne. Les importations de denrées venues de l'étranger à partir du printemps 1796 améliorèrent nettement les approvisionnements dans les villes mais aggravèrent la situation financière de la France. Le blé était importé d'Italie et même d'Algérie et les dépenses étaient lourdes.

Le problème principal était l'inflation qu'il fallait absolument enrayer. Pour cela le gouvernement avait besoin d'argent, il demanda d'accélérer la frappe de monnaie d'or et d'argent. Puis le 10 décembre 1796 (19 frimaire an IV) un emprunt forcé de 600 millions fut voté, cet emprunt ne touchera que les plus riches contribuables mais ne sera pas suffisant. Trois mois plus tard seuls 12,5 millions de franc de numéraires et de matières précieuses étaient entrés dans les caisses de l'Etat. Pendant ce temps l'assignat avait continué de chuter le louis d'or de 24 livres qui valait 2.000 livres papier à l'avènement du Directoire en valait 5.000 en mars 1796. Le Directoire décida alors de supprimer l'assignat. Le 19 février 1796 (30 pluviôse an IV) les planches et poinçons sont solennellement détruits place Vendôme, l'assignat de 100 francs ne valait plus alors que 30 centimes. Environ 40 milliards de francs d'assignats avaient été émis en 6 ans soit l'équivalent de 7 milliards de franc métallique ou 14 années de ressources normales. L'inflation était arrêtée mais il fallait maintenant retirer de la circulation cette masse énorme de papier monnaie. La loi du 18 mars 1796 (28 ventôse an IV) autorisait la création des mandats territoriaux. Deux milliards quatre cent millions de ces mandats seront émis pouvant être échangé au cours de 1 pour 30 contre des assignats et permettant d'acquérir à des conditions très favorables des biens nationaux. La sanction ne tarda pas, un mois plus tard ce nouveau type d'assignat avait déjà perdu 80% de sa valeur. Il avait cependant permis à toute une part de la population d'acquérir de fabuleux biens nationaux avec des billets sans valeur. Le 21 mars 1796 seul le franc, unité monétaire légale depuis le 15 août 1795, prenait un cours légal fixé à cinq grammes d'argent; le papier perdait tout cours légal.

La destruction des assignats

Paris , février1796

 


(Musée Carnavalet. Paris)

 

La déflation succède à l'inflation mettant en péril l'économie et les finances. Les achats de produits manufacturés baissent provoquant le chômage des artisans. La bonne monnaie ne sort pas et reste cachée. Or le Directoire a besoin de numéraire il diffère donc le paiement des fonctionnaires, cède des propriétés nationales (le célèbre diamant de la Couronne "le Régent"), vend des biens nationaux aux enchères et se trouve dans l'obligation d'emprunter au dey d'Alger, à des commerçants de Hambourg ou à des financiers véreux. L'unique solution qui sera rapidement mise en place consistera à exiger de fortes contributions de guerres aux pays conquis - 200 millions de florins à la Hollande, 16 millions de francs à l'Allemagne, 50 millions à l'Italie. Le prix de cette politique sera une dépendance croissante du régime vis à vis des généraux. Le 4 février 1797 la monnaie papier était totalement démonétisée. Un créancier de l'état qui aurait reçu 3000 francs assignat en 1791 les aurait échangés contre 100 francs mandat en 1796 et n'aurait obtenu en 1797 que 1 franc numéraire. L'impopularité du Directoire tient d'une part dans ces difficultés à faire face aux services publics par manque d'argent et d'autre part dans l'incapacité de l'Etat à tenir ces engagements vis à vis des rentiers.

Gracchus Babeuf et la conjuration des Egaux

François Noël Babeuf
dit
Gracchus Babeuf

 

Babeuf en prison
(Bib. nat. Paris)


Reprenant le discours des Enragés qui menaçait la propriété individuelle Babeuf va plus loin et refuse également la supériorité des talents et des qualités. Sa doctrine repose sur une critique radicale de la famille, de la religion et de la propriété. Emprisonné sous la convention thermidorienne puis amnistié lors le l'insurrection royaliste de Vendémiaire, il devient l'un des orateurs les plus écoutés du club du Panthéon qui sera fermé par Bonaparte, sur ordre du Directoire, en février 1796. Babeuf passe alors à la clandestinité et fonde avec Buonarotti, Darthé, Le Pelettier et Maréchal un comité insurrectionnel chargé d'organiser un réseau de conspirateurs puis la prise du pouvoir. Le manifeste des égaux particulièrement violent prône une révolution sociale basée sur la communauté de biens "… plus de propriété individuelle des terres, la terre n'est à personne les fruits sont à tous …". Manipulés par la police aux ordres du préfet Cochon nommé par Carnot, les conjurés sont arrêtés le 10 mai 1796 (21 floréal an IV) et la conjuration est déjouée. Pour compromettre davantage les conjurés, le gouvernement laisse se développer un coup de force au camp militaire de Grenelle qui débouche sur 32 condamnations à mort en septembre 1796. Le 20 février 1797 s'ouvre le procès de Babeuf et des Egaux, condamnés à mort Babeuf et Darthé seront exécutés le 28 mai 1797. La plupart des autres conjurés seront acquittés.

 

L'Europe et la guerre sous le Directoire

La France espérait du Directoire qu'il termine la guerre avec les princes européens et qu'il rétablisse une paix générale. La Convention avait conclu la paix avec la Prusse, la Hollande et l'Espagne qui s'étaient donc retirées de la coalition. Restaient l'Autriche et l'Angleterre, toutes deux refusant de voir la rive gauche du Rhin sous possession française ainsi que le royaume de Sardaigne et quelques petits états italiens. L'Autriche proposait un congrès réunissant toutes les puissances en conflit mais le Directoire préfèrait une paix séparée qui lui est refusée par Vienne sous influence anglaise. La guerre allait donc continuer.

1796 : Les victoires en Italie - Traité de Campoformio

Le plan proposé par Carnot au Directoire consistait à lancer une manoeuvre de diversion en Italie du Nord pour fixer une partie des forces autrichiennes puis, avec deux armées, l'une par le Rhin l'autre par le Danube menacer directement Vienne. Jourdan et Moreau se voient confier les opérations sur le Rhin et sur le Danube tandis que Bonaparte reçoit le commandement de l'armée d'Italie.


Nommé le 2 mars 1796 général en chef de l'armée d'Italie, Bonaparte arrive à Nice le 27 mars après avoir célébré son mariage avec Joséphine de Beauharnais le 9 mars. La triple mission que lui a assignée la République est la suivante.

  1. Séparer les Autrichiens des Piémontais pour déterminer le roi de Sardaigne à faire la paix avec la France puis attaquer le Milanais
  2. Chercher par tous les moyens à animer les mécontents du Piémont et à les monter contre la cour de Turin
  3. Lever de fortes contributions versées pour moitié dans les caisses des administrations et pour moitié servant à payer la solde de l'armée

En face des 36.000 Français dont dispose Bonaparte, les Austro-sardes alignent 70.000 soldats. Cette campagne éclair, chef d'oeuvre d'une guerre de mouvement, débute le 11 avril 1796. Séparant les Sardes des Autrichiens, Bonaparte bat successivement les Autrichiens puis les Sardes à Montenotte, Dego et Mondovi. Son armée balayée, Victor-Amédée signe un armistice qui débouche sur le traité de Paris le 3 juin 1796 par lequel il abandonne à la France Nice et la Savoie.
Le Piémont occupé, Bonaparte se retourne alors contre les Autrichiens, le 9 mai il les bouscule à Lodi et entre dans Milan le 15 mai contrôlant du même coup toute la Lombardie. Sûr de lui Bonaparte refuse de céder aux ordres du Directoire lui enjoignant de prendre les états Pontificaux. Il impose sa paix aux princes vaincus et lève de fortes contributions 20 millions pour le Milanais, 2 millions pour le duché de Parme, 10 millions pour le ducs de Plaisance et celui de Modène.

Pendant ce temps l'offensive principale sur le Rhin avait débuté. Le 29 juin Jourdan franchissait le Rhin à Neuwied. Le début des opérations se déroula bien. Mayence était bloqué par Marceau pendant que Jourdan progressait dans le Mein, descendait la vallée de la Raab et s'emparait de Amberg avançant jusqu'à Ratisbonne à quelques jours de Vienne. Moreau de son côté à la tête de l'armée de Rhin-et-Moselle franchissait le Rhin à Kelh et parvenait à détacher de la coalition les princes de Bade, du Wurtemberg et de la Saxe. Les succès sur le Rhin allaient cependant être rapidement stoppés par l'archiduc Charles. Il battait Bernadotte le 16 août à Neumarkt contraignant les Français de Jourdan à se replier sur Bamberg puis sur Wurtzbourg et finalement à revenir sur le Rhin où Marceau devait trouvé la mort à la bataille d'Altenkirchen le 19 septembre 1796. Moreau, découvert était contraint de reculer, ce qu'il fit par une superbe retraite.

Pendant ce temps les Autrichiens avait monté une nouvelle armée de 70.000 hommes qui devait dégager la forteresse assiégée de Mantoue. La ville commandait les débouchés des vallées du Mincio et de l'Adige, principales voies de passage des Autrichiens vers l'Italie depuis le Tyrol. Commandés par Wurmser, les Autrichiens sont battus à Castiglione le 5 août 1796 puis sont contraints à la suite de multiples défaites à se replier et à s'enfermer dans Mantoue le 15 septembre.
A Paris, le Directoire s'inquiétait; la Russie, sollicitée de manière pressante par l'Autriche et l'Angleterre, était sur le point de faire intervenir ses troupes contre la République. La mort de Catherine II en novembre 1796 éloigna cette crainte, l'Autriche serait désormais seule en face des armées républicaines.
Libérant plusieurs milliers d'hommes suite au retrait des armées françaises sur le Rhin, Vienne montait une nouvelle armée de 50.000 hommes sous les ordres d'Alvinzi. En trois jours (du 15 au 17 novembre 1796) ils allaient être anéantis dans les marais d'Arcole. En janvier 1797 dans un dernier effort pour libérer l'armée de Wurmser toujours bloquée dans Mantoue, Alvinzi reparaît avec 75.000 hommes. La rencontre a lieu à Rivoli en deux actes. Le 12 janvier, Joubert opposé au 75.000 autrichiens fléchit. Bonaparte, accouru à son secours, réengage la bataille le 14 janvier 1797 et balaie l'ennemi. Apprenant cette nouvelle défaite Wurmser capitule à Mantoue le 2 février 1797. Libéré des Autrichiens, Bonaparte provoquait un soulèvement à Venise et rapidement toute l'Italie du Nord et du Centre se soulevait contre l'influence Autrichienne.
Le 17 février 1797, Pie VI, inquiet, signait le traité de Tolentino par lequel il cédait Avignon et le comtat Venaissin à la France ainsi qu'une contribution de 15 millions en objets d'art et précieux.

Maître de l'Italie du Nord, assuré sur ses arrières en Italie centrale, Bonaparte pouvait alors pénétrer en Vénétie et par le Frioul menacer directement Vienne. Il s'arrêtait cependant à Leoben à 40 lieues de la capitale Autrichienne. Parallèlement à ces mouvements Hoche venait de remplacer Jourdan et franchissait le Rhin en avril 1797 remportant une série de victoires sur les Autrichiens. Moreau quant à lui avançait à travers la Forêt Noire vers le haut Danube. L'Archiduc Charles avait été dépêché dans le Frioul pour stopper la "Furia Francese". Bonaparte, de son propre chef, proposait un armistice accepté et signé le 7 avril 1797. Le 16 avril 1797 les préliminaires de paix sont approuvés à Leoben, l'Autriche renonçait à la Belgique et reconnaissait les limites de la France sur le Rhin en compensation Bonaparte laissait entrevoir la possibilité de laisser Venise. Un congrès était prévu pour régler les problèmes allemands de l'empire germanique.

En mai et juin les évènements se précipitent, suite à un massacre de soldats Français à Vérone, ville vénitienne, Venise est occupée par les troupes républicaines. La république Ligurienne est instaurée à Gênes et la république Cisalpine est constituée à partir de la Lombardie, du Milanais et de Modène. Le 31 mai 1797 Bonaparte écrivait au Directoire que "Venise paierait le Rhin".

Les négociations pour la paix définitive commenceront fin mai mais seront perturbées par la situation intérieure en France (élection de germinal - coup d'état de fructidor). Le 29 septembre 1797, le Directoire demande à Bonaparte une "prétention maximale en Allemagne et en Italie avec ordre de marcher sur Vienne en cas de refus". De son coté l'Autriche représente par Cobenzl durcit sa position. Finalement le 17 octobre 1797 (25 vendémiaire an V) le traité de Campo-Formio est signé à Passariano. Les conditions finales étaient les suivantes: La France recevait les Pays-Bas, la frontière sur le Rhin, la place-forte de Mayence et les îles Ioniennes. L'Autriche recevait une partie de la Vénétie, l'Istrie et la Dalmatie et reconnaissait la république Cisalpine dont l'Adige servirait de frontière à l'est. A Rastadt un congrès discuterait de l'indemnisation des princes allemands de la rive gauche du Rhin.

La nouvelle de la paix de Campoformio sera accueillie en France avec une immense joie et vaudra à Bonaparte une immense popularité. La joie était moins grande chez les Directeurs qui voyaient d'un mauvais oeil grandir la popularité de ce général encombrant qui négociait lui-même une paix avec les autres états européens. La paix sera cependant contresignée par le Directoire le 26 octobre 1797.

Dès novembre 1797 la rive gauche du Rhin était divisée en quatre départements et les îles Ioniennes découpées en trois départements.

Fructidor an V

Les progrès de la droite royaliste

Malgré les échecs de vendémiaire et les tentatives avortées de débarquement des forces royalistes sur le territoire républicain les élections avaient, on l'a vu, montré une réelle poussée à droite.
Le véritable péril pour le Directoire était bien cette droite royaliste. Deux solutions s'offraient aux partisans du retour à la monarchie: l'action violente par les complots et la force militaire ou bien l'action légale par les élections. Les mouvements insurrectionnels trop isolés et rapidement démantelés allaient être voués à l'échec tout comme les complots. Restait la carte des militaires et plus particulièrement celle de Pichegru.
Au cours de l'année 1795, Pichegru avait été plusieurs fois contacté par des royalistes qui espéraient une prise de pouvoir rapide avec l'aide d'un militaire. Pichegru favorable à une telle action prend divers contacts avec les émigrés puis semble préférer une solution politique. De retour à Paris fin 1796, Pichegru et les différents mouvements favorables à la monarchie, subventionnés par l'or anglais, engagent une action politique devant déboucher sur une victoire électorale aux élections d'avril 1797 (germinal an V).

Le résultat des élections est sans appel : sur 216 anciens conventionnels sortants seuls 11 sont réélus. Les Républicains n'ont la majorité que dans dix départements. Malgré une majorité toujours républicaine aux conseils, la position du Directoire est fortement affaiblie. Réuni le 20 mai 1797, le corps législatif élit Pichegru à la présidence des Cinq-Cents et Barbé-Marbois aux Anciens. Letourneur, éliminé du Directoire, officiellement par tirage au sort officieusement par intrigue de Barras, est remplacé par Barthélemy négociateur des traités de Bâle sans envergure politique. Au sein du Directoire un conflit naissait entre d'une part Barthélemy et Carnot de plus en plus modéré favorable à un accord avec la nouvelle majorité et d'autre part le triumvirat Barras, La Revellière-Lépeaux et Reubell assez réticent à cette alliance. Un remaniement ministériel faisait entrer Talleyrand aux relations extérieures et Hoche à la guerre.

Le programme de la nouvelle majorité consiste à révoquer les lois révolutionnaires (députés proscrits réintégrés, droits civiques redonnés aux parents d'émigrés et de prêtres réfractaires) et à arrêter la dilapidation des finances en attendant et en préparant une restauration parfaitement légale à l'occasion du renouvellement d'un prochain tiers des conseils.

Le coup d'état de fructidor

Les Directeurs partagés hésitent entre un accord avec la nouvelle majorité ou l'emploi de mesures d'exception. Convaincus par Bonaparte de la trahison de Pichegru, la décision est prise de réprimer les menés royalistes. Barras invite Hoche, commandant de l'armée de Sambre-et-Meuse, à rapprocher l'un de ces corps d'armée à proximité immédiate de Paris dans le but officiel de renforcer l'armée des côtes de l'Océan. Le projet éventé, Hoche, désavoué, est destitué du ministère de la guerre par les Conseils et est remplacé par Schérer. Déçu, il ne cacha pas son dégoût des affaires politiques " Je ne veux plus vivre dans les tripotages". Cependant l'armée irritée par cette destitution basculait en faveur du Directoire contre les Conseils. Bonaparte décidait alors d'envoyer Augereau "sauver" la République. A peine arriver à Paris, Augereau est nommé commandant de la dix-septième région militaire le 8 août 1797. L'épreuve de force s'engageait, les Conseils comptaient sur Pichegru et sur la Garde des Conseils, le Directoire sur Augereau et sur l'armée.

Le 3 septembre 1797 (17 fructidor an V) les Conseils demandent la mise en accusation des trois Directeurs Barras, La Revellière-Lépeaux et Reubell et envisagent l'arrestation de ceux-ci par Pichegru et la garde du Corps législatif mais il est trop tard ….
Le 4 septembre 1797 (18 fructidor an V) au matin Augereau contrôle les abords des Tuileries, ferme les barrières de Paris et fait placarder sur tous les murs de la capitale les preuves de la trahison de Pichegru. Ces preuves récupérées par Bonaparte en Italie sur le comte d'Antraigues l'un des principaux agents de la contre-révolution avaient été transmises à Barras après quelques épurations. A 10 heures tout était joué, les principaux opposants étaient arrêtés. Les Cinq-Cents réunis à l'Odéon et les Anciens à l'école de médecine délibérèrent sous la surveillance de l'armée.

Coup d'état du 18 fructidor an V

Paris le 4 septembre 1797.

 

Le général Augereau fait arrêter les députés royalistes aux Tuileries.
(Bib. nat. Paris)

 

En quelques jours d'importantes mesures de répressions manifestement préparées à l'avance par Merlin de Douai sont proposées et votées par les conseils. Les lois du 19 et du 22 fructidor an V "corrigeaient" les élections dans 49 départements éliminant 140 députés. Les élections aux administrations locales étaient cassées dans 53 départements et remplacées par des nominations, 42 journaux supprimés, les lois contre les immigrés et les prêtres réfractaires remises en vigueur. 65 "fructidorisés" étaient condamnés à la "guillotine sèche" c'est à dire la déportation sans jugement, avec séquestre des biens, à Madagascar ou en Guyane. Parmi eu 11 membres des Cinq-Cents, 42 des Anciens, les Directeurs Carnot et Barthélemy et les généraux Pichegru et Miranda. Carnot parvint à s'échapper et à gagner la Suisse, seuls 48 proscrits furent appréhendés, 17 déportés en Guyane 8 d'entre eux y moururent. Les autres purent s'évader et rentrer en France parmi eux Pichegru et Barthélemy. D'autres dispositions imposaient aux émigrés de repasser la frontière dans un délai de 15 jours sous peine d'être traduit devant des commissions militaires jugeant sans appel.

Pour remplacer les deux Directeurs destitués deux listes furent proposées par les Cinq-Cents aux Anciens qui élirent les ministres Merlin de Douai en remplacement de Barthélemy et François de Neufchâteau en remplacement de Carnot. Sieyès est élu président du conseil des Cinq-Cents. Restait à récompenser Augereau qui reçut le commandement de l'armée d'Allemagne rendu libre par la mort de Hoche. La République était sauvée mais la libéralisation du régime était violemment interrompue par ce coup d'état.

 

Les conséquences de fructidor

Politique
Les électeurs se sentent une nouvelle fois floués par le Directoire. La poussée à droite lors des élections de germinal an V était certes forte mais traduisait-elle réellement une volonté populaire de retour à la monarchie ou alors un souhait du peuple de retour à la liberté et plus particulièrement à une liberté religieuse et un souhait d'en finir avec la "vieille coterie jacobine". Dans les villages, les élections de l'an V se faisaient sur la question suivante "Les cloches chanteraient-elles ?" . Louis Madelin indique "Les électeurs de l'an V ne demandèrent point aux candidats s'ils étaient républicains ou royalistes, ils votèrent pour qui leur promit que les cloches sonneraient et que les curés reviendraient". Les candidats royalistes profitèrent bien évidemment de la situation. Diverses tendances se partageaient cette nouvelle majorité mais l'hostilité à la politique des Directeurs en était le dénominateur commun. Le coup d'état des trois Directeurs se fit dans une indifférence quasi absolue de la population. C'était précisément l'un des dangers de cette politique directoriale. Elle habituait la population à trouver normal et naturel que la Constitution, la Loi et la Souveraineté de la Nation soient ainsi bafouées et violées. Des conseils délibérants sous la menace des soldats, des généraux appelés à se prononcer, des élus déportés "funeste exemple !" écrira plus tard La Revellière victime prochaine d'un autre coup d'état. Le peuple conçoit de ce jour un mépris accentué pour ces députés et cette représentation nationale fantoche. La presse supprimée, l'opposition déportée, le parlement malmené le Directoire sombre ce jour dans la dictature.

Financières
Le gouvernement profite immédiatement des évènements de Fructidor pour redresser les finances. Moins d'un mois après le coup d'état, l'énergique ministre des finances Ramel décrète la banqueroute des 2/3 de l'état. Cette disposition ruinera les rentiers de l'état mais allègera considérablement le poids de la dette publique. Dans la foulée l'administration fiscale sera réorganisée et de nouveaux impôts mis en place.

La dette publique n'avait cessé de s'aggraver depuis 1789. Le montant des rentes perpétuelles s'élevait à 120 millions de francs auxquels s'ajoutaient 70 millions de rentes viagères. La loi du 30 septembre 1797 (9 vendémiaire an VI) consolidait 1/3 de la dette et mobilisait les 2/3 restant en bons au porteur.
L'état n'avait plus qu'à payer 44 millions de rentes perpétuelles et 25 millions de rente viagère. La dépréciation des bons au porteur est spectaculaire, un an plus tard ils s'échangent à 37% de leur valeur et à seulement 1% deux ans plus tard.

Le système fiscal est également profondément modifié. Un ensemble de lois en novembre et décembre 1797 redéfinissent les contributions directes à travers la contribution foncière, la mobilière, la personnelle, la patente commerciale ainsi qu'une contribution sur les portes et fenêtres. Ces contributions formeront la base des contributions en France jusqu'en 1914. Côté contributions indirectes Ramel réorganise les droits sur les poudres et salpêtres, les objets d'or et d'argent, les cartes à jouer et le tabac. L'octroi est également rétabli à Paris. La répartition et le recouvrement des contributions sont maintenant confiés à des fonctionnaires indépendants.

Les vainqueurs du 18 fructidor an V
(Barras, Reubell et La Revellière-Lépeaux)

 

"La TRINITE REPUBLICAINE
que d'action de grâce les Républicains doivent aux trois Directeurs BARRAS, REWBELL et REVELLIERE-LEPEAUX qu'avec plaisir ils les proclament Sauveurs de la Patrie. C'est à leur union courageuse et sacrée que nous devons la Constitution de la République"
(Bib. nat. Paris)

 



La Convention Thermidorienne - Le second Directoire


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