L'Assemblée constituante

Les difficultés - fin de la Constituante
(Eté 1790-Automne 1791)

Années 1790 - 1791
Promotion des assignats

 

 

L'armée fermente - Mutinerie de Nancy

Pendant ce temps l'armée s'agite et fermente, d'un coté des soldats et des sous-officiers dont l'avancement est bloqué par le système des charges qui rongent leur frein, de l'autre des officiers divisés sur la conduite à tenir: soutenir le roi ou soutenir l'assemblée. Depuis septembre 1789 l'insubordination règne dans la troupe et la délation sévit même chez les officiers. De ci de là, des révoltes éclatent, des concessions sont faites, la révolte reste impunie et en génère une nouvelle. A Hesdin, par exemple, le régiment Royal Champagne restera de longs mois cantonné refusant de partir et de suivre son colonel. Un jeune lieutenant mène la révolte. Il s'agit du lieutenant Nicolas d'Avoust qui deviendra le célèbre maréchal Davout. Partout des exemples similaires se succèdent de janvier à juillet 1790. L'Assemblée ne fait rien, La Tour du Pin, ministre de la guerre se plaint des rebellions mais aucune décision sérieuse n'est prise et le roi ne montre aucune détermination. On accuse les officiers contre-révolutionnaires mais on ne les démet pas. Mirabeau l'écrit cependant: il vaudrait mieux "licencier l'armée du roi et en former une sur les principes de la Révolution". Au moins enlèverait-on aux soldats indisciplinés un prétexte de révolte.
Après la fête de la Fédération, les mutineries s'accélèrent. Le 5 août 1790 à Nancy des régiments s'agitent demandant la solde qui leur est due. Suite à une nouvelle intervention de La Tour du Pin à l'Assemblée dénonçant ces mutineries, la Constituante vote le 16 août 1790 un décret prescrivant la répression.

A Nancy les trois régiments révoltés (régiment du Roi, de Mestre-de-Camp-Général et les Suisses de Châteauvieux) ont emprisonné leurs officiers qui refusaient d'accorder aux soldats le contrôle des caisses du régiment. Le 18 août 1790, sur lettre de l'Assemblée et de La Fayette, le marquis de Bouillé, commandant la place de Metz, reçoit l'ordre de réprimer la révolte.

François Claude Amour
marquis de Bouillé

1739 - 1800

Entré dans l'armée à 14 ans, il fait toutes les guerres de la fin du règne de Louis XV. Colonel à 22 ans puis gouverneur général des îles du vent. Il est, au début de la Révolution, commandant en chef de la Lorraine, de l'Alsace et de la Franche-Comté.
Pour certains il est l'homme qui aura maintenu fermement l'ordre et réprimé la révolte de la garnison de Nancy. Pour d'autres il est le massacreur des Nancéiens et un fossoyeur aux mains couvertes de sang.

Il marche sur Nancy avec 4 500 hommes et s'empare de la ville le 31 août 1790 après avoir perdu 500 hommes environ. La répression est particulièrement sévère notamment chez les Suisses (1 roué, 42 pendaisons et 41 galériens). Les patriotes désapprouvent la répression et manifestent à Paris le 2 septembre 1790. La Fayette approuve Bouillé et l'Assemblée lui vote des félicitations le 3 septembre 1790. Quelques mois plus tard Bouillé sera accusé d'avoir été trop expéditif et les mutins seront graciés sous l'Assemblée législative.

Exécutions à Nancy

Septembre 1790

Ce furent principalement les Suisses du régiment de Châteauvieux qui furent sévèrement réprimés suite à la mutinerie des trois régiments à Nancy. Sur cette gravure on voit au centre, deux soldats roués après la pendaison de plusieurs autres.

Ce manque de fermeté est trop manifeste d'une force militaire qui se dissout au point que certains députés de droite comme de gauche en viennent à souhaiter une guerre dans l'idée que celle-ci forcerait les soldats à se tourner contre les ennemis extérieurs. D'autres, moins optimistes, redoutent au contraire la perspective d'une guerre avec l'Europe à l'heure où l'armée semble en pleine décomposition.

Necker inquiet du tour pris par les événements démissionne le 4 septembre 1790 invoquant des raisons de santé. L'Assemblée constituante s'attribue alors la direction du Trésor public.

 

Les problèmes religieux

C'est le décret du 27 novembre 1790 donnant obligation aux ecclésiastiques de prêter serment de fidélité à la Nation, à la loi, au roi et donc à la Constitution civile du clergé qui précipitera la fracture.

Serment des prêtres jureurs

27 novembre 1791

"Je jure de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution". Les prêtres qui prêtèrent ce serment furent appelés jureurs, les autres seront les réfractaires.

La multiplication des évêques protestants contre la Constitution civile, la position du pape et les hésitations du roi avaient décidé l'Assemblée à demander la prestation de ce serment. Le décret voté, il manquait la sanction du roi qu'il donna à contre coeur le 26 décembre 1790.
Le clergé avait huit jours pour prêter serment. Le 4 janvier 1791 seulement 105 députés ecclésiastiques avaient prêté le serment, dont Grégoire. La quasi-totalité des évêques et les deux tiers des curés députés - hier sincèrement dévoués à la Révolution et disposés à accepter la Constitution civile - refusent de prêter le serment. Beaucoup d'entre eux furent sensibles à la pression exercée sur eux depuis les tribunes et jurèrent mais, par la suite, avec les rétractions, il n'y eut au total que 99 jureurs à l'Assemblée.
La journée du serment national de tous les autres ecclésiastiques, prévue le dimanche 9 janvier 1791, s'annonçait donc mal. Les évêques refusèrent de prêter serment (excepté 4 d'entre eux Talleyrand, Loménie de Brienne, Jarente et Lafont de Savine. Une petite moitié seulement des curés jurèrent mais pour se rétracter en partie lorsque Pie VI eut fait paraître la condamnation prononcée contre la Constitution civile.
Le clergé était coupé en deux. La proportion des prêtres jureurs variait selon les régions de 8% dans le Bas Rhin à 96% dans le Var mais les non-jureurs furent en définitive les plus nombreux.

Le refus de jurer nécessitait donc un remplacement des ecclésiastiques "réfractaires", 80 sièges épiscopaux et 20 000 cures furent ainsi soumis à élection. Les évêques furent élus entre février et mai 1791; parmi eux 19 curés de l'assemblée dont Grégoire. La participation à ces élections fut très faible et essentiellement laïque. Talleyrand sacra les trois premiers évêques de la nouvelle église le 20 février 1791. Les élections des curés furent plus mouvementées car les paroisses refusaient le départ de leurs curés réfractaires, les candidats étaient peu nombreux et, de plus, nombre d'entre eux refusaient leur poste après l'élection.

Le pape Pie VI

Elu pape en 1775

Il s'opposa dés le début à la Révolution. D'abord silencieusement dans ses lettres à Louis XVI puis ouvertement à partir de sa condamnation de la Constitution civile du clergé. Il ne rompit pas les relations avec la France lors de l'occupation d'Avignon par les troupes révolutionnaires mais il continua d'inciter les prêtres réfractaires à dénoncer les nouvelles institutions. Il mourut à Valence où il était emprisonné depuis son arrestation à Rome en 1798 par Berthier.

La condamnation du pape Pie VI arriva avec ses brefs de mars et avril 1791 dans lesquels il déclarait la Constitution civile comme schismatique. Louis XVI, catholique sincère, en fut choqué car il se sentait responsable d'avoir donné sa sanction à cette loi.
Par la suite, la guerre que se livrèrent les deux clergés et leurs partisans respectifs fut beaucoup plus grave. Le clergé non-jureur refusait de laisser la place au clergé jureur. S'il y eut peu de conflit au niveau des évêques, beaucoup des partants ayant émigré, au niveau des paroisses il y eut des affrontements entre les deux partis. La paix publique était menacée. La Révolution également était menacée car elle heurtait l'un des sentiments populaires les plus ancrés au niveau du peuple : le sentiment catholique.

Les problèmes financiers
C'est à cette période également que se profilent les causes de la crise financière et économique qui manquera emporter la Révolution. Essentiellement deux raisons:

 

La Nation française et l'Assemblée

La Nation à cette époque éprouvait un besoin de stabilité. Les acquis de la Révolution ne devaient bien sûr pas être remis en cause mais une partie de la population aspirait à une pause. Lassée de la politique, des élections, des multitudes de nouveaux décrets, la bourgeoisie souhaitait voir repartir les affaires. Alors que la misère menaçait, les boutiques et les ateliers fermaient. Le mécontentement grossit pendant l'hiver 1790-91 et gagnait les ouvriers chômeurs, les commerçants sans client. Une partie de ces plaignants prôneront une seconde révolution tandis que les autres voudront stopper la première voir même faire machine arrière. Les deux courants vont se heurter dans le pays et jusque sur les bancs de l'Assemblée parmi ceux-là même qui avaient fait les événements de 1789. A l'extrême gauche se formait un groupe républicain et antiroyaliste volontiers démagogique. La majorité des députés de l'Assemblée, que l'on appellera les modérés ou les Constitutionnels semblent ne plus vouloir aller de l'avant.
Mirabeau espérait toujours un ministère et conseillait le roi, vendu mais "dans le sens de ses opinions", comme le dira La Fayette, il voulait le maintien des conquêtes de la Révolution mais également la restauration de l'autorité royale. Le roi le payait mais ne l 'écoutait ni ne l'employait pas.
La Fayette s'opposait à la démagogie de la gauche, il souhaitait fermement rétablir une autorité nationale, Marat l'accablait d'injures et de colère mais sa popularité était encore très élevée dans la population.
La cour se méfiait des deux hommes qui se jalousaient. En mars 1791 Mirabeau devient directeur du département de Paris puis est élu à la présidence de l'Assemblée mais la mort l'emporte le 1 avril 1791 avant qu'il n'ait pu réellement influencer la Constituante. Sa mort fut un événement national et sa dépouille fut transportée au Panthéon.

 

L'Europe et la France

Pourquoi l'Europe n'est-elle pas intervenue dès 1790 ?

Louis Madelin donne un élément de réponse. L'Europe n'existait pas ou du moins n'existait plus. " La vieille république chrétienne du Moyen-Age n'existait plus. La politique égoïste et féroce d'agrandissement avait depuis 400 ans sacrifié la communauté religieuse, les liens de famille, la solidarité monarchique et tous les serments d'alliance ou d'amitié ". Plus de droit, la force primait tout. La Pologne venait d'être dépecée entre Frédéric II de Prusse, Catherine II de Russie et Marie Thérèse d'Autriche. De voir leur " cousin " Louis XVI ainsi empêtré dans ses problèmes intérieurs ne pouvaient que réjouir ces monarques européens avides d'élargir leur pouvoir, et ils s'imaginaient déjà une nouvelle Pologne à démembrer. La France et son roi, alors pays redouté, se devraient de payer par quelques provinces le retour à la monarchie.

L'Europe en 1790

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Les alliances européennes en 1789-90

La Russie était en guerre depuis 1789 avec la Turquie. L'Autriche était son alliée tandis que l'Angleterre et la Prusse étaient soupçonnées de soutenir la résistance des Turcs. Catherine II avait proposé, sous prétexte d'anglophobie, une alliance à Louis XVI qui l'avait refusée. La Prusse, heureuse d'embarrasser les Russes qu'elle redoutait et d'être désagréable aux Autrichiens, excitait les troubles en Pologne. L'Assemblée refusant de jouer à ce jeu des intrigues désintéressa complètement les autres protagonistes européens, un instant alertés cependant par la révolution belge en octobre 1789. Ils n'interviendront en définitive que lorsqu'ils penseront le fruit suffisamment mûr pour pouvoir être dépecé. Aussi ces puissances se réjouissaient-elles des déclarations pacifistes de l'Assemblée dans lesquelles elle ne voyait que des signes de faiblesse. Robespierre dira de la France, lorsque l'Espagne l'appela au début de son conflit avec l'Angleterre, " … elle renonce aux conquêtes ... elle regarde ses limites comme posées par les destinées éternelles ". Le 22 mai 1790, le titre VI de la Constitution est d'ailleurs " la France renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes ". Certains constituants dont Mirabeau s'inquiètent de ces déclarations " la paix perpétuelle demeure un rêve et un rêve dangereux s'il entraîne la France à désarmer devant une Europe en armes ".

La famille royale envisage l'aide de l'Europe
Depuis la signature du décret concernant le serment des prêtres à la Constitution Louis XVI se sentait dans une position inconfortable :"J'aimerais mieux être roi de Metz que de demeurer roi de France dans une position pareille mais cela finira bientôt " aurait-il dit. Dès lors il songeait sérieusement à appeler l'aide de l'Europe.
Marie Antoinette envisageait cette aide depuis plus longtemps, dès l'été 1790 semble-t-il. Elle espérait que de simples mouvements de troupes de son frère Léopold aux frontières françaises suffiraient à rétablir l'autorité de Louis XVI s'il se mettait alors à la tête de l'armée française. Cependant malgré les demandes répétées de sa sœur, l'empereur d'Autriche ne voulait rien faire tant que la famille royale serait à Paris.
En décembre 1790 Louis XVI instituait le baron de Breteuil comme son plénipotentiaire en Europe avec mission d'attirer l'attention des autres puissances et de mobiliser les émigrés. L'Autriche qui venait de mâter la révolte en Belgique se rapprochait de la Prusse. La Russie, dirigée par Catherine II, après avoir battu les Turcs cette fin d'année 1790, s'intéressait à la Pologne qu'elle souhaitait annexer. Elle poussait donc tout naturellement l'Autriche et la Prusse loin d'elle vers le Rhin.

Le baron de Breteuil

Ancien ministre de Louis XVI. Il sera dans l'émigration son porte-parole officieux.

Les émigrés français souhaitaient accélérer les événements et demandaient, par l'intermédiaire de leur représentant le comte d'Artois, une invasion. Par leur désir de revanche, leur suffisance et leur frivolité, ils ne faisaient qu'incommoder les nations européennes, qui les accueillaient. D'ailleurs, en janvier 1791 Léopold éconduisait le frère de Louis XVI.

L'Europe se fait attendre
L'Europe attendait un prétexte que lui fournirait l'Assemblée pour intervenir. Déjà la France montrait des ressentiments envers les principautés rhénanes qui accueillaient les émigrés et les princes allemands s'en plaignaient auprès de l'Autriche. En avril 1791 lors de la condamnation de la Constitution par le pape Pie VI, le problème de l'annexion d'Avignon par la France fut soumis à l'Assemblée. Clermont Tonnerre s'y opposait craignant de déclencher les hostilités de l'Europe. Les partisans de l'annexion faisaient prévaloir que ce n'était pas une conquête puisque Avignon était de droit à la France. En mai 1791, à Mantoue, Calonne et le comte d'Artois rencontraient l'empereur d'Autriche Léopold et dressaient un plan d'attaque contre la France.
Par chance, l'Autriche hésitait plus que jamais. Elle soupçonnait les desseins cachés de la Russie qui venait d'intervenir une nouvelle fois en Pologne en juin 1791 à la suite à quelques troubles. Catherine II, poussait à la création d'une coalition européenne ; elle disait que les Allemands (Prussiens et Autrichiens) devraient mener la contre-révolution à Paris et les Russes à Varsovie.

L'entrevue de Pillnitz

Du 25 au 27 août 1791 Léopold II d'Autriche, Frédéric-Guillaume II de Prusse et le comte d'Artois se rencontrent à Pillnitz en Saxe pour décider de la position à adopter face aux événements en France. Le comte d'Artois assisté de Calonne, faisant fonction de chef du gouvernement français en exil, souhaite une intervention militaire immédiate de l'armée autrichienne et une régence du comte de Provence. L'Autriche et la Prusse pour des raisons diverses rejettent ces propositions et adoptent un texte dans lequel les deux puissances allemandes se disent prêtes à intervenir exclusivement en accord avec tous les souverains d'Europe "Alors et dans ce cas ..." elles coaliseront leurs forces pour rétablir Louis XVI dans son ancien pouvoir. Une telle déclaration n'engageait personne, elle fut cependant très mal perçue en France où elle retentissait comme une menace des puissances étrangères contre la Révolution.

Suite à Pillnitz les émigrés français délaissèrent Vienne pour Berlin; en effet la Prusse était beaucoup plus favorable à une action militaire rapide que l'Autriche. La Russie sollicitée par le comte d'Artois se borna à fournir une aide financière au chef des émigrés. L'entrevue de Pillnitz reste cependant le premier pas des monarchies européennes sur le chemin de la guerre contre la France révolutionnaire.

 

La fuite du roi

La décision
Sentant que celle-ci se préparait, Mirabeau aurait, la veille de sa mort, déconseillé à Louis XVI de prendre la fuite. Le peuple également se méfiait et entourait le roi d'une surveillance extrême. Un jour c'est le Comte de Provence qui dut se montrer au Luxembourg, une autre fois ce sont les tantes du roi qui sont arrêtées aux portes de Paris. Une fois encore le peuple se jette sur Vincennes puis sur les Tuileries où une soi-disant conspiration visait à enlever le roi (episode des chevaliers du poignard). Il faut l'intervention de La Fayette pour disperser la foule et les quelques gentilshommes fidèles à la monarchie venus soutenir leur roi. Puis c'est l'épisode du départ pour Saint-Cloud qui précipite la fracture et décide définitivement Louis XVI à la fuite. Souhaitant se confesser à un prêtre non-jureur, il décide discrètement d'aller à Saint-Cloud le 18 avril 1791. A la sortie des Tuileries, sa voiture est arrêtée par les gardes nationaux, La Fayette lui-même ne peut rien faire, le roi lui dit alors : "au moins vous avouerez à présent que nous ne sommes pas libres".

Départ manqué pour Saint- Cloud

18 avril 1791

Arrestation du carrosse du roi à la sortie des Tuileries alors qu'il tentait discrètement de se rendre à Saint-Cloud pour la messe des Rameaux. Le roi et sa famille furent contraints de rebrousser chemin et de rentrer aux Tuileries.

Aux Tuileries on pensait le moment venu d'agir. L'Europe était prête à intervenir derrière Léopold, l'Assemblée était divisée et impopulaire et craignait, le roi parti, le risque d'une dictature. Louis XVI pensait rejoindre à Metz l'armée de Bouillé, qu'on lui disait encore fidèle et rentrer avec elle dans Paris peut être même sans les Autrichiens. Ce que Louis XVI ne savait pas c'est que l'armée de Bouillé n'était pas plus fidèle à sa personne que les autres, que la Nation tenait à sa Révolution et à ses conquêtes et qu'elle ne verrait dans sa fuite qu'une entreprise contre sa liberté et le risque d'une intervention étrangère. " Que violents et modérés, bourgeois et ouvriers, paysans du bon curé et paysans du mauvais curé oublieraient leurs querelles pour ne songer qu'au salut de la R évolution et de la Nation et que l'Assemblée portée par l'opinion saurait assumer la dictature du salut public" L. Madelin

La fuite et l'arrestation à Varennes
Le 21 juin 1791 à 7 heures du matin, le valet de chambre de Louis XVI Lemoine trouve le lit du roi vide. Une heure plus tard le tocsin sonnait dans Paris. La famille royale avait quitté Paris la veille dans une grosse berline sous la fausse identité de la Baronne Korff et sa famille (la reine et les enfants) accompagnée de son intendant (le roi). Toute la journée du 21 la berline roule sur les routes de Champagne et est rejointe à Sainte-Menehould par des dragons de Bouillé; ceux-ci ne font qu'éveiller l'attention du maître de poste Drouet qui donne l'alarme.

Sainte Menehould

Nuit du 21 au 22 juin 1791

Le roi et la famille royale déguisés en bourgeois pour fuir la capitale sont reconnus par le maître de poste Jean-Baptiste Drouet à l'étape de Sainte- Menehould. Celui-ci prévint aussitôt les autorités de la ville et se lançant à la poursuite des fugitifs, il les fit arrêter à Varennes.

Gravure d'époque:
On y voit le roi mangeant des pieds dans une auberge "Au fuyard" pendant que la famille royale attend dans la berline. Il est reconnu par confrontation avec son portrait figurant sur les assignats.


Un barrage est improvisé plus loin à Varennes pour stopper la berline. La berline arrêtée, Louis XVI reconnu, les dragons et hussards de l'escorte lâchant le roi, la fuite est finie.
A Paris depuis 9 heures l'Assemblée siège pendant que la foule a envahi les Tuileries aux cris de "Trahisons !". La Fayette d'abord soupçonné d'être complice de cette aventure signe l'ordre de ramener le roi dans la capitale et fait partir dix aides de camp dans toutes les directions. Le pouvoir exécutif en fuite, la situation semblait dramatique pour l'avenir de la Constitution. La Fayette, Bailly et Beauharnais alors présidents de l'Assemblée se concertèrent et mirent au point une explication selon laquelle des contre-révolutionnaires auraient enlevé le roi et sa famille. L'Assemblée fait bloc et vote à l'unanimité un décret donnant ordre d'arrêter toutes personnes sortant du royaume. Aux clubs des Jacobins et des Cordeliers l'indignation face à cette hypocrisie est extrême.
Le 22 juin à 5 heures du matin les aides de camp de La Fayette arrivent à Varennes et présentent à Louis XVI le décret de l'Assemblée. " Il n'y a plus de roi de France " dit Louis XVI.

L'arrestation du roi à Varennes

Le retour à Paris
La nouvelle de l'arrestation ne parvint à l'Assemblée que le 22 juin au soir. Les députés modérés dénoncèrent un complot de Bouillé et réclamèrent des mesures pour assurer la sécurité du roi. Trois députés (Pétion le républicain, Barnave le triumvir et La Tour Maubourg un proche de La Fayette) sont envoyés au devant du cortège royal. Le retour à Paris est particulièrement éprouvant pour la famille royale qui doit subir les quolibets et les outrages des populations des différents villages et villes traversés. Plus grave le prestige royal disparaissait. Entre Château-Thierry et Chalons le cortège royal est rejoint par les trois représentants de la Constituante qui présentent au roi le décret de l'Assemblée dont il prend connaissance en leur disant "Messieurs, je suis bien aise de vous voir. Je ne voulais point sortir du royaume. Je me rendais à Montmédy où mon intention était de rester jusqu'à ce que j'eusse examiné et accepté librement la Constitution". Louis XVI avait trouvé là une formule adroite permettant de justifier sa fuite. Barnave envoûté par Marie Antoinette s'attachera par la suite à accréditer cette thèse. Pétion, plein de naïveté, crut lui que Mme Elisabeth, soeur de Louis XVI, était tombée amoureuse de lui.
Le cortège n'atteignit Paris que le 25 juin en début d'après midi, et l'entrée dans la capitale se fit dans le plus grand silence. Toute une foule était rassemblée mais son silence désapprobateur était oppressant. Les gardes nationaux tenaient l'arme basse et pas une personne ne se découvrait au passage du roi. Louis XVI rentra aux Tuileries sans dire un mot et à 7 heures du soir les grilles du château se refermaient sur la famille royale.

Les conséquences
Qu'allait-on faire du roi ?
Le désordre menaçait la France et une vague de républicanisme sembla près d'emporter la Constitution et le trône des Bourbons. Non seulement la confiance dans la Constitution sortait fortement diminuée mais l'assignat baissait (-30%) et des sorties importantes de capitaux vers la Suisse aggravaient la situation financière.
L'armée dut faire face à une nouvelle vague d'émigration de ses officiers et on dut faire appel à des volontaires pour assurer la sécurité des frontières.
Louis XVI, enlevé officiellement ou en fuite officieusement, était tombé au dernier degré du mépris dans les faubourgs bien sûr mais, plus grave encore, chez ceux-là même qui allaient à l'Assemblée défendre la monarchie.

Le retour du roi à Paris

la famille des cochons ramenée à l'étable

On voit à travers cette caricature sur le retour de la famille royale aux Tuileries après Varennes, le niveau de mépris où est tombé le roi suite à sa fuite..

La Nation, par contre, se sent plus grande et la Révolution plus assurée tant a été général le coup de fouet qui a mis tout le monde debout de l'Hôtel de Ville de Paris aux petites commune de la Champagne. De plus l'ordre n'avait pas été troublé; on en concluait donc: "Il peut y avoir une nation sans roi, mais non pas un roi sans nation". La Constituante un instant parut vouloir aller dans cette direction et Louis XVI restait provisoirement suspendu.

La fusillade du Champ-de-Mars

Le mouvement républicain et les clubs
La majorité de l'Assemblée cherchait à minimiser les conséquences d'un tel acte. Bouillé s'étant par une lettre publique déclaré l'auteur de l'enlèvement et émigré il fut chargé d'anathème par les modérés, la droite ne disait rien sachant très bien qu'elle n'était pas à l'origine de l'enlèvement. Pas une proposition à l'Assemblée ne fut formulée ayant pour objet la déchéance du roi. En revanche dans les clubs de telles propositions étaient à l'ordre du jour. Dès le 21 juin les Cordeliers appuyés par un mouvement de mécontentement ouvrier suite à la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 qui interdisait toute association, tout attroupement ou mouvement de grève de la part d'ouvriers, menaient une campagne de pétition demandant la destitution du roi. Ils sollicitèrent les Jacobins d'en délibérer également. Brissot et Condorcet commencèrent une campagne contre Louis XVI, Sieyès n'était pas favorable à une république, les clubs en province hésitaient et Barnave désormais favorable à la royauté enleva à l'Assemblée les décrets des 15 et 16 juillet qui, innocentant le roi, le rétablissaient dans ses droits sous réserve qu'il acceptât la Constitution.
Une scission s'opéra au club des Jacobins d'où les modérés (Lameth, Sieyès, Barnave ...) se retirèrent pour fonder au couvent des Feuillants une société rivale.

La fusillade du Champ-de-Mars
Les Jacobins avaient décidé de soutenir le 17 juillet au Champ-de-Mars une pétition des Cordeliers qui proclamait l'abdication du roi et le remplacement du pouvoir exécutif. Les Parisiens étaient invités à venir en masse signer cette pétition. La municipalité interdit tout attroupement et confia à La Fayette et à sa garde nationale le soin d'assurer le maintien de l'ordre. La loi martiale fut proclamée et le drapeau rouge déployé sur l'Hôtel de Ville. La Fayette et Bailly furent accueillis au Champ-de-Mars par des volées de pierre aux cris de "A bas le drapeau rouge ! A bas les baïonnettes ! Point de roi !". Sur ordre de Bailly, la garde nationale tira, ce fut la panique. Au moins 50 morts, plusieurs arrestations, Marat parvint à se cacher, Danton dut émigrer en Angleterre et les Cordeliers furent fermés jusqu'au 6 août. Le club des Jacobins fut décapité; à Paris sur 2 400 adhérents, 3/4 d'entre eux le quittèrent et plusieurs centaines de Jacobins rejoignirent les modérés au club des Feuillants.

La fusillade du Champ-de-Mars

17 juillet 1791

La loi martiale décrétée par Bailly entraîna la fusillade du Champ-de-Mars où une cinquantaine de pétitionnaires furent tués par la Garde nationale.

 

La fin de la Constituante

A l'Assemblée les débats reprenaient dirigés par les Feuillants majoritaires. Certains députés menés par Barnave, désormais gagné à la cour, souhaitaient une révision de la Constitution et s'y employaient. On rendit au roi le droit de grâce, les ministres furent autorisés à venir à l'Assemblée participer aux séances, on modifia le régime électoral (suppression du marc d'argent). Personne n'osa cependant renforcer l'exécutif, on souhaitait toujours une limitation des pouvoirs du roi pour mieux assurer la primauté de la bourgeoisie. Par contre pour bloquer ceux qui souhaitent une évolution vers un régime républicain l'Assemblée décida que la Constitution ne pourrait être révisée sous aucun prétexte avant 10 ans (sic)...

En cet été 1791 l'Assemblée fatiguée expédiait sa besogne. Elle était impopulaire, les moissons avaient été mauvaises, les ouvriers, en partie au chômage depuis la fermeture d'ateliers, envoyaient au diable ces députés. Un des derniers décrets lourds de conséquences pour l'année à venir fut celui précisant qu'aucun des constituants sortants ne pourrait être réélu député de la nouvelle assemblée.

La Constitution fut votée à l'Assemblée le 3 septembre et portée au roi le 4 septembre. Louis XVI accepta la Constitution le 13 septembre et vint le 14 septembre prêter serment devant l'Assemblée. On donna des fêtes et tout Paris dansa dans les rues. Fausse unanimité, les Jacobins s'opposaient aux Feuillants, le chômage persistait et la reine continuait à solliciter une intervention militaire extérieure. L'annexion d'Avignon fut votée le 12 septembre.

Considérant sa mission comme terminée, la Constituante décida de se séparer le 30 septembre 1791. La Révolution semblant terminée l'Assemblée avait voté une amnistie pour les émigrés qu'on engageait à rentrer et pour les fauteurs de troubles de ces derniers mois.
Fatale illusion !!!
La Révolution était loin d'être terminée, la princesse de Lamballe rentrée en France dans ces jours sera dans moins d'un an massacrée, la Constitution civile du clergé continuera de diviser la France en deux camps ennemis, les assignats généreront une inflation dangereuse pour l'économie, le roi qui venait de signer la Constitution n'était pas du tout déterminé à la suivre, les membres les plus avancés des clubs ne songeaient qu'à le détrôner.

La Constitution de 1791

Septembre 1791

Posée sur un piédestal, tient d'une main la Charte constitutionnelle et de l'autre une pique surmontée du bonnet de la liberté. L'ange tutélaire la protège et foudroie ses ennemis. La Garde nationale et le peuple sont autour d'elle.

 

 


L'assemblée constituante (Les réformes) - L'Assemblée Législative


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