Robespierre
Dans les campagnes
La récolte de 1793
fut médiocre en raison d'une année particulièrement sèche.
Celle de 1794 fut compromise par de violents orages. De plus, les paysans refusaient
d'envoyer leurs grains dans les villes en raison de la loi qui leur imposait
un prix de vente maximum. Dans de nombreuses régions, faute de grains,
la pomme de terre faisait son apparition.
Côté politique, la vente des biens nationaux et la déchristianisation
sont les évènements marquants de la période. La déchristianisation
est mal vécue dans les campagnes où les divorces, les exactions
contre les prêtres et les religieux, la suppression des offices irritent
et exaspèrent le peuple. La vente des biens de l'église et des
émigrés a profité principalement aux gros fermiers et aux
petits notables. Au bas de l'échelle sociale les plus pauvres n'en ont
retiré aucune compensation
.
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Encrier de l'époque
révolutionnaire |
Dans les villes
Certaines villes victimes
de la guerre civile comme Bordeaux, Lyon ou Marseille voient leur activité
économique anéantie et leur population bourgeoise décimée.
D'autres comme Valenciennes, Verdun ou Thionville sont victimes de la guerre
et des sièges. Partout c'est la disette qui frappe les populations civiles.
Paris et ses sans culottes
A Paris, depuis juin 1793
les prêtres se cachent, les églises et la Bourse sont fermées.
En avril 1794 le séjour dans la capitale sera interdit par une loi de
police générale.
Depuis l'adoption du calendrier révolutionnaire le seul jour chômé
est maintenant le décadi, le dimanche doit être travaillé.
Les sans-culottes en carmagnole, pantalon rayé et bonnet phrygien, armés
d'une pique, patrouillent dans les rues de la capitale. Débaptisés,
ils se donnent des noms révolutionnaires comme La Violette, Floréal,
Bara, Brutus ou Sans Peur. Ils assistent aux assemblées de section
et aux réunions des clubs et assurent un service à la garde nationale.
Leurs ressources sont en moyenne de cinq livres par jour et leur principal problème
comme dans toutes les villes est celui de la subsistance. Des cartes de rationnement
sont distribuées. A l'époque où la consommation de pain
est de 3 livres par adulte, ils ne disposent dans le pire des cas que d’une
livre. La viande manque également, seul le vin semble couler en quantité
suffisante. Le niveau d'instruction étant assez inégal, les mots
d'ordres sont diffusés par des lecteurs publics qui commentent les journaux
et les comptes rendus d'assemblée. Plus de la moitié des sans-culottes
sont des artisans ou des commerçants. On les trouve en principe dans
les comités civils, les comités révolutionnaires et les
sociétés populaires, les femmes en sont exclues. Olympe de Gouges
tentera vainement de défendre les droits politiques de la femme mais
finira sur l'échafaud en novembre 1793.
La loi sur les suspects remplit les prisons et de nouvelles maisons d'arrêt
doivent être créées dans d'anciens couvents. Les dénonciations
sont innombrables, le certificat de civisme est obligatoire et la chasse aux
suspects touche non seulement les accapareurs ou les nobles mais également
les relations des prêtres et des nobles. Les personnes tenant des propos
séditieux, les fonctionnaires en arrêt d'activité et les
parents d'émigrés sont également touchés. 29% des
suspects arrêtés sont issus des classes populaires, 18% sont issus
des classes privilégiées, 28% de la haute bourgeoisie et 25% sont
des fonctionnaires
.
Le calendrier républicain Messidor - la moissonneuse assoupie Une nouvelle ère avait commencé le 22
septembre 1792 lors de la proclamation de la République. |
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Pendant toute cette période
les exécutions vont se multiplier. La "sainte guillotine"
récemment inventée (première exécution en avril
1792) favorise le massacre. Chez certains s’instaure un véritable
culte ou tout au moins un goût avoué pour le spectacle offert par
cette guillotine. Amar ne dira-t-il pas en pleine Convention : "Allons
au pied du grand autel voir célébrer la messe rouge".
L'accusateur public Fouquier-Tinville
en grand inquisiteur fournit les victimes, il est la figure marquante du tribunal
révolutionnaire, à ses cotés Herman puis Dumas président
le tribunal, les jurés peu actifs sont présents uniquement pour
livrer des têtes au bourreau.
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Fouquier-Tinville Accusateur public au tribunal révolutionnaire Après le 9 Thermidor il sera jugé par ses acolytes. Il aura droit à un véritable procès de 39 jours pendant lequel il se défendra adroitement, prétextant qu'il n'a fait qu'exécuter la loi. Il sera finalement guillotiné avec 15 autres membres du tribunal révolutionnaire le 7 mai 1795. |
Dès juin 1793, la machine est mise en marche et le nombre de suspects arrêtés est considérable. Le nombre des condamnations à mort, à Paris, est d'abord relativement rare - une tous les deux jours jusqu'à l'automne 1793 - puis s'accélère progressivement passant à une centaine par mois jusqu'en germinal (mars 1794), 355 en floréal (avril 1794), 381 dans les 22 premiers jours de prairial (mai 1794) pour atteindre 1360 en 47 jours après la loi de prairial (soit une trentaine par jour).
Pour passer en revue les procès célèbres:
Voici quelques procès retentissants
de cette période qui correspond à la période dite de la
"Terreur légale". Paris ne connaît pas encore la Grande
Terreur qui ne se déchaînera qu'après germinal.
Alors que la montagne vient de triompher
de ces ennemis intérieurs et extérieurs elle va se diviser. Regroupement
de personnalités d'origines et d'aspirations différentes elle
n'était soudée que par son hostilité à la Gironde.
La marmite épuratoire des Jacobins 1793 Armé d'une écumoire le cuisinier Robespierre coiffé d'un bonnet phrygien, examine à la loupe Anarcharsist Cloots tandis que Chaumette, Page, Hébert, Danton et Desmoulins sont dans la marmite. |
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Les enragés
Dans les villes, l'accroissement
de la misère avait fait apparaître un mouvement social hostile
non plus à la seule aristocratie mais aux riches en général.
Ce mouvement prenait naissance dans les faubourgs les plus démunis où
les journaliers se sentaient maintenant les laissés-pour-compte de cette
révolution bourgeoise et paysanne. Si les paysans avaient obtenu gain
de cause avec l'abolition de la féodalité et l'accès à
la propriété, le chômage gagnait dans les faubourgs, les
salaires ne suivaient pas le mouvement d'inflation dû à l'apparition
de l'assignat et le ravitaillement des villes était de plus en plus difficile.
Qui plus est, la guerre faisait la fortune de certains bourgeois et le contraste
entre ces nouveaux riches et ces laissés-pour-compte devenait de plus
en plus criant. La loi Le Chapelier votée par la Constituante bourgeoise
leur interdisait même de se coaliser pour défendre une cause commune.
Déjà en janvier 1792 une agitation avait secoué les quartiers
populaires qui avaient envoyé une délégation défendre
leur point de vue à la Législative. En quelques mots le peuple
s'indigne de l'attitude de la bourgeoisie qui ignore sa misère et lui
rappelle les services rendus dans les premiers mois de la Révolution.
Début 1793, Chaumette, procureur de la commune de Paris, reprend ces
mêmes arguments et la contestation se développe au sein des sections.
En février 1793, une délégation des 48 sections de Paris
se présente à la Convention demandant l'établissement d'un
maximum pour le prix du blé. Parallèlement à cette action
des boutiques sont pillées. La Convention désapprouve cette action
et répond en ces termes aux ventres creux :"Le devoir des représentants
du peuple n'est pas seulement de donner du pain au peuple comme de la pâture
aux plus vils animaux. ... un peuple digne de la liberté supporte les
inconvénients inséparables d'une grande révolution ...
l'abondance ne règne pas dans nos murs. La ruine du despotisme, le règne
de l'égalité, le triomphe des principes de l'éternelle
justice reconnus, voilà une partie de nos dédommagements"
(sic) signés de Robespierre,
Danton,
Marat,
Billaud-Varenne
et d'autres. Une telle incompréhension ne pouvait qu'entraîner
une réaction du coté des sections. Le 1er mai les sections du
faubourg St. Antoine se déclarent en insurrections. Les porte-paroles
de ces manifestations spontanées seront appelés "les
enragés", le plus célèbre en sera Jacques
Roux. Sous leur pression la Convention institua le 3 mai 1793
un maximum pour le prix du grain. Par cette loi, tout achat ou vente de grain
au-dessus du prix imposé était passible d'amende et de la confiscation
des marchandises, tout détenteur de grains était également
tenu d'en faire la déclaration et l'autorité pouvait requérir
tout détenteur de grains d'en apporter au marché la quantité
jugée nécessaire. Réaction prévisible, les paysans
cessèrent d'apporter leurs grains sur les marchés.
Pendant l'été la situation s'aggravait et débouchait sur
la loi du 29 septembre 1793 qui instituait le maximum général
sur toutes les denrées de première nécessité. Le
maximum de ces produits était fixé sur toute l'étendue
du territoire à leur valeur de 1790 majoré de 33% et ce pour un
an. Il en était de même pour les salaires qui étaient majorés
de 50% par rapport au taux de 1790. Les sections qui avaient demandé
des prix égaux à ceux de 1790 et des salaires doubles furent déçues
par la mesure. Le 2 novembre 1793, suite à de nouvelles émeutes,
Barère
faisait voter un amendement à la loi qui touchait maintenant toutes les
marchandises. Comme les paysans pour le maximum du blé, les commerçants
ne respectèrent pas la loi malgré l'arsenal répressif mis
en place par les législateurs.
Pendant ce temps Roux
gênait la Convention. Depuis son passage à l'Assemblée le
25 juin 1793, lors duquel il avait violemment attaqué la bourgeoisie
marchande et les grands principes révolutionnaires qui n'étaient
que de vains mots, les Montagnards avaient déclenché contre lui
une campagne visant à le faire passer pour un contre-révolutionnaire.
Exclu du club des Cordeliers puis des sections par la Commune, Jacques
Roux fut arrêté le 5 septembre 1793 et se donna la mort plutôt
que d'accepter la guillotine. Les autres enragés comprirent la leçon
et à l'automne 1793, la faction des enragés n'existait plus.
Les
Hébertistes
Les Hébertistes
pouvaient être plus dangereux que les enragés. Soutenus par la
Commune dont Pache était le maire, Chaumette le procureur-syndic et Hébert
le substitut, leur journal était "Le Père Duchesne"
écrit par Hébert et très populaire auprès des sans-culottes.
Ils disposaient d'appuis au Comité de salut public avec Billaud-Varenne
et Collot
d'Herbois, le club des Cordeliers leur était acquis et ils pouvaient
compter sur l'armée révolutionnaire.
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Le Père Duchesne parution novembre 1790-printemps 1794 Personnage célèbre à la veille de la Révolution, le Père Duchesne "marchand de fourneaux" a inspiré le journal d'Hébert célèbre pour son extrême grossièreté ponctuant chaque phrase de ces jurons favoris "bougre" et "foutre" |
Si Roux
et ses enragés étaient neutralisés, les problèmes
de subsistance n'étaient pas réglés pour autant et Hébert
s'en empara. Certainement beaucoup moins sincère que Roux
dans son discours, il utilise son journal pour attaquer violemment et de manière
outrancière ses opposants. Partisan de la manière forte il réclame
la mort pour les accapareurs. Lors du procès des Girondins il se réjouit
de leurs exécutions puis est absolument abject lors du procès
de Marie-Antoinette.
A partir d'octobre 1793 il va s'attaquer à la religion. Sous l'impulsion
des Hébertistes, la déchristianisation va rapidement prendre un
tour violent. Des églises sont saccagées, des profanations de
lieux de culte et de cimetières sont perpétrés, et les
évêques constitutionnels doivent, dans des mascarades humiliantes,
renier en public leur religion. Le 10 novembre 1793 une grande
fête de la Raison est organisée à Notre-Dame et le 23 novembre
1793 la Commune fait fermer tous les édifices de culte à Paris.
C'est à cette période que la rupture se fait entre la Commune
Hébertiste et la Convention. Au club des Jacobins Robespierre
prenait ses distances avec la Commune, Danton
condamnait cette violente mascarade anti-cléricale et le 6 décembre
la Convention rappelait le principe de la liberté des cultes. Les députés
n'étaient pas spécialement très religieux mais le tour
que prenait les évènements leur semblait excessif.
Mascarade religieuse automne et hivers 1794 Pendant cette période sous la pression des Hébertistes
des scènes collectives d'abjuration de la foi, des pillages de
tombeaux et des processions ridiculisant la religion catholique furent
organisées. |
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Opportuniste, Hébert
sentit le vent tourner et tenta de prendre ses distances avec cette déchristianisation
qu'il avait pourtant prônée, en s'attaquant maintenant au groupe
des "indulgents". Ces indulgents étaient "une clique
de modérés, de feuillants et d'aristocrates soudoyés par
l'Angleterre pour remplacer les Brissotins et brouiller les cartes à
la Convention en dénonçant les meilleurs patriotes ... La Convention
en mettant la Terreur à l'ordre du jour a sauvé la Patrie; si
elle parlait d'indulgence, elle se perdrait avec nous ... Si le rasoir national
cessait un seul instant d'être suspendu sur la nuque des contre-révolutionnaires,
que deviendraient les patriotes ?".
L'agitation contre le coût des
subsistances s'accentua en mars 1794. Hébert
tenta de prendre la direction d'un nouveau mouvement d'insurrection le 4 mars
1794 quand à la tribune de la Convention il réclamait "l'insurrection
contre la modération qui risquait de gagner l'Assemblée".
Le Comité de salut public s'inquiéta; les Hébertistes préparaient-ils
un coup d'état ?
Dans la nuit du 13 au 14 mars (24 ventôse) Hébert
était arrêté avec ses principaux lieutenants. Lors du procès
ils furent traduits en même temps que des soi-disant agents de l'étranger
comme Anarchist Cloots (en tout 18 personnes) et furent guillotinés le
24 mars. Dans les faubourgs, il n'y eut aucune réaction.
Les enragés neutralisés, les hébertistes guillotinés
la Convention affirmait sa volonté de ne pas vouloir se faire déborder
sur sa gauche par le mouvement populaire.
Les
indulgents
Le mouvement des Indulgents pris naissance vers la fin de l'année
1793. Il regroupait un ensemble de personnalités lassées de la
Terreur et persuadées que les Français souhaitaient la diminution
des exécutions. Pour cette raison, cette faction s'opposait violemment
aux Hébertistes avec la bénédiction de Robespierre
d'ailleurs. Ils avaient également leur journal "Le vieux cordelier"
publié par Camille
Desmoulins dont le premier numéro sortit le 5 décembre 1793.
Danton
apportait tout son soutien au mouvement vers lequel convergeaient rapidement
certaines oppositions au régime de Salut Public de Robespierre.
Une autre raisons beaucoup moins noble poussait également Danton
vers ce mouvement : la corruption de son entourage.
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Camille
et Lucille Desmoulins 1792 Arrêté le 31 mars 1794 avec les Dantonistes
il fut condamné à mort et guillotiné le 5 avril.
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Le 13 janvier 1794, Fabre
d'Eglantine était arrêté pour corruption. A travers
lui les Dantonistes étaient portés sur la sellette. Au Comité
de Salut Public Billaud-Varenne
demanda l'arrestation de Danton.
On conseilla à celui-ci de fuir "on n'emporte pas la patrie à
la semelle de ces souliers" dira t'il. Il est arrêté le
30 mars 1794 avec ses amis Camille
Desmoulins, Phélippeaux et Delacroix sur ordre du Comité de
Salut Public. Les Dantonistes allaient comparaître au procès amalgamés
avec les "pourris" corrompus par l'argent Fabre
d'Eglantine, Chabot et Basire, Hérault
de Séchelles détesté par Robespierre
et Saint-Just
accusé d'être le complice de d'Orléans,
Brissot,
Hébert,
Dumouriez
et Mirabeau
(sic) sera ajouté à la future charrette. Le 2 avril (13 germinal)
le procès débutait et rapidement Danton,
grâce à sa forte personnalité et à son talent d'orateur,
dominait le tribunal. Le 15 germinal Saint-Just
arrachait un décret à la Convention :"Tout prévenu
de conspiration qui résistera ou insultera la justice nationale sera
mis hors des débats sur-le-champ". Le 16 germinal les accusés
étaient bien entendu mis hors du débat et la sentence votée
fut la mort appliquée le jour même 5 avril 1794.
Danton sur le chemin de l'exécution 5 avril 1794
Sanguine de P.A Wille "Dessinée
de souvenir le 5 avril 1794"
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La France de Robespierre
Renforcement
du gouvernement
et centralisation du pouvoir
Depuis la chute des factions on ne parlait plus à l'étranger que de "la France de Robespierre". Tous, Français et étrangers, voyaient la France s'acheminer vers une dictature de l'Incorruptible. Robespierre se trouvait en effet, maintenant, sans rivaux possibles. Cependant la victoire sur les factions n'était pas celle de l'homme uniquement mais bien celle du Comité de salut public.
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Comité révolutionnaire de l'an II Dans l'atmosphère tendue de l'an II, le simple citoyen pouvait craindre le pire lorsqu'on le citait à comparaître devant les responsables de l'ordre public. |
Ce Comité réélu chaque mois conservait depuis le printemps une grande stabilité. Robespierre, Couthon et Saint-Just (souvent en mission) dirigeaient la politique générale, Barère avait en charge la diplomatie, Carnot la guerre, Saint-André, Lindet, Prieur de la Marne et Prieur de la Côte d'Or se partageaient l'intendance tandis que Collot d'Herbois et Billaud-Varenne s'occupaient des problèmes intérieurs. Le Comité de sûreté générale observait également une grande stabilité autour de Amar, David, Vadier et Lebas. Les six derniers ministres furent supprimés le 1er avril 1794 et remplacés par douze commissions.
Les administrations départementales suspectées de fédéralisme perdirent de leur pouvoir. Les Commissaires rappelés, des agents nationaux sont envoyés en Province dans les différents comités et sont chargés de veiller à l'application des lois. Cette multiplication d'agents dont se plaignait Saint-Just entraîna un gonflement des bureaux et des lenteurs dans l'administration.
Paradoxalement, sous cette Grande Terreur, certains terroristes notoires comme Barras, Fouché, Tallien ou Carrier sont rappelés à l'ordre. Ils dérangent Robespierre en discréditant la Révolution. L'Incorruptible fait voter le 8 mai 1794 un décret supprimant les tribunaux révolutionnaires de province de telle sorte que tous les prévenus de la République soient traduits devant un seul et même tribunal : le Tribunal révolutionnaire de Paris.
Le rythme des exécutions s'accélère:
Le 10 juin 1794, la terrible loi dite du 22 prairial an II allait encore aggraver la Terreur. Cette loi, votée suite à deux pseudo-tentatives d'assassinats sur les personnes de Collot d'Herbois et de Robespierre, déclarait que:
La France connaissait l'extrême
Terreur, avec une telle loi, supprimant les auditions des témoins et
les plaidoiries, les débats allaient considérablement s'accélérer.
En un mois et demi, on atteignit 1376 exécutions, soit plus en 45 jours
que durant toute la période du tribunal révolutionnaire créé
le 6 avril 1793. On vit des erreurs de noms, des amalgames de personnes, des
prisons entières vidées et conduites à l'échafaud.
Le 9 thermidor, 45 personnes passeront encore sous la guillotine déplacée
de la place de la Révolution à la place de la Bastille puis à
celle de la barrière du Trône.
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Chatelet et Prieur Jurés du Tribunal révolutionnaire Ils subiront, après le 9 thermidor, le même sort que ceux qu'ils avaient expédiés à la guillotine. Prieur laissera plusieurs dessins qu'il exécutait pendant les procès. |
La situation intérieure et extérieure
Les nécessités de la guerre imposaient une nationalisation de l'industrie militaire. Des manufactures nationales d'armes et de munitions furent créées. Les nationalisations s'arrêtèrent là, la Convention étant hostile à un dirigisme trop important de l'Etat. Hostile également à un partage général des biens, la Convention souhaitait cependant limiter les grosses fortunes et multiplier les petits propriétaires. Partisans de la liberté de l'économie et d'une démocratie égalitaire et sociale, les Conventionnels voteront successivement une loi instituant l'égalité absolue de tous les héritiers légitimes et naturels, une autre décidant la vente par petits lots des biens des émigrés et des biens nationaux, puis un ensemble de décrets (décrets de ventôse an II) qui permettrait d'indemniser les plus pauvres avec le produit de la vente des biens des personnes reconnues ennemies de la Révolution.
La situation extérieure s'améliorait
grandement. Nos diplomates montraient leur efficacité dans les pays neutres
comme la Suisse ou les Etats-Unis. L'offensive militaire reprenait. Pichegru
et son armée du Nord faisaient jonction à Bruxelles avec Jourdan
et son armée de Sambre-et-Meuse qui venait de culbuter l'armée
de Cobourg le 26 juin 1794 à Fleurus. Cobourg et ses
Autrichiens évacuaient la Belgique, les Prussiens se repliaient en Westphalie
et les Anglais au Hanovre. Dugommier envahissait la Catalogne, Moncey occupait
Saint-Sébastien et sur les Alpes le général Bonaparte proposait
l'invasion de l'Italie.
Sur les mers, la situation nous était moins favorable, les Anglais étaient
maîtres de la Méditerranée et dans l'Atlantique un convoi
de blé venant des Etats-Unis était attaqué par l'Anglais
Howe. Une escadre française venue à sa rescousse réussit
cependant à faire fuir l'Anglais malgré de lourdes pertes, dont
le vaisseau Le Vengeur.
La situation dans les colonies était délicate. Les comptoirs des
Indes, Saint-Pierre et Miquelon, la Martinique étaient tombés
aux mains des Anglais. Nous gardions le Sénégal, la Guadeloupe
et Haïti en pleine guerre civile
.
La déchristianisation de l'été
et l'automne 1793 inquiétait la Convention et le Comité de Salut
Public. Les attaques violentes que subissait le culte catholique, qui n'avait
pourtant pas été proscrit par la Convention, pouvaient fournir
aux contre-révolutionnaires des prétextes pour allumer une guerre
civile. La République ne pouvait pas laisser violer la liberté
des cultes sur son propre territoire.
Le discours de Robespierre
du 21 novembre 1793 posait les bonnes questions " De quel droit des
hommes inconnus jusqu'ici dans la carrière de la révolution, viendraient-ils
chercher au milieu de tous ces évènements les moyens d'usurper
une fausse popularité, d'entraîner les patriotes même à
de fausses mesures et de jeter parmi nous le trouble et la discorde ? De quels
droits viendraient-ils troubler la liberté des cultes au nom de la liberté
et attaquer le fanatisme par un fanatisme nouveau ? De quels droits feraient-ils
dégénérer les hommages solennels rendus à la vérité
pure en des farces ridicules".
En réponse aux déchristianisations,
on proposa de mettre en place des fêtes décadaires "placées sous les auspices
de l'Être Suprême". Ce culte de l'Être Suprême venait des philosophes déistes
et risquait de mettre en place une religion d'Etat. Le 7 mai 1794 (18
floréal an II) Robespierre
prononce son célèbre discours sur le "rapport des idées religieuses
et morales avec les principes républicains", il fait décréter aussitôt que
"le peuple français reconnaît l'existence de l'Être Suprême et de l'immortalité
de l'âme" et institue une série de fête célébrant ce nouveau culte.
La cérémonie, préparée par David, eu lieu le 8 juin 1794 (20 prairial
an II) et fut présidée par Robespierre
élu président de la Convention pour l'occasion. Dans un Paris décoré
de guirlandes de fleurs et de feuillages, les différentes sections citoyennes
en robe blanche, citoyens portant des branches de chêne et enfants portant
des corbeilles de fleurs convergeaient vers les Tuileries où Robespierre
en tête de la Convention
lut un sermon auquel succéda un hymne au Père de l'Univers. Puis
tout le monde se rendit en procession au Champ-de-Mars où une montagne
symbolique avait été construite parsemée de tombeaux, de
pyramides et de temples grecs.
Cette fête marquera l'apothéose de Robespierre
mais également le début de son déclin.
Fête de l'Être Suprême 20 Prairial an II (8 juin 1793) Détail d'un éventail montrant Robespierre brûlant l'athéisme et le fanatisme et dévoilant la Vérité. |
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Depuis la cérémonie
du 20 prairial, Robespierre
était de plus en plus soupçonné de vouloir accéder
à la dictature. La Terreur, accrue par les lois de Prairial, semblait
inutile maintenant que la situation militaire était redressée.
Des rumeurs circulaient, certaines disaient que Robespierre
allait arrêter la Terreur pour s'attribuer la popularité d'une
telle mesure, d'autres soutenaient que Robespierre souhaitait signer la paix
avec l'Autriche pour restaurer Louis XVII dont il deviendrait régent.
Rumeurs ou pas, la discorde s'établissait au sein de la Convention et
au sein même des deux principaux comités.
Collot
d'Herbois et Billaud-Varenne
se prenaient violemment de querelle avec Robespierre.
Saint-Just
et Carnot
étaient en mauvais terme et étaient rivaux au sujet des opérations militaires.
Prieur de la Marne suivait Carnot
tandis que Lindet
ne pardonnait pas à Robespierre
l'exécution de Danton.
Barère
plus diplomate proclamait perfidement chaque victoire militaire rendant plus
insoutenable un régime et une terreur maintenant sans raison.
Le Comité de sûreté générale,
sous l'influence de Vadier,
était maintenant très nettement anti-robespierriste à l'exception de Lebas
et de David.
A partir du 29 juin 1794 (10 messidor
an II), ayant rappelé le fidèle Saint-Just
auprès de lui Robespierre
ne paraît plus au Comité qu'il juge indocile. Revenant aux sources, il fréquente
régulièrement le Club des Jacobins dont il fait exclure ses ennemis, dont Fouché;
lentement il prépare son attaque.
Pendant ce temps, tous ceux qui se sentaient menacés par Robespierre
(Fouché, Barras, Tallien, Collot d'Herbois, …) se rapprochèrent
et s'unirent pour faire face à l'épreuve de force. La Montagne
semblait être mobilisée contre l'Incorruptible mais pour arriver
à ses fins il lui fallait l'appui du centre. La Plaine était alors
très courtisée un jour par Robespierre, le lendemain par Fouché
ou Tallien, les deux protagonistes cherchant à s'attirer les faveurs
d'un Cambacérès ou d'un Boissy d'Anglas encore hésitants.
Le 26 juillet 1794 (8 thermidor an
II) Robespierre
monte à la tribune de la Convention et passe à l'attaque. Désorientant
les députés, il s'en prend aux deux comités et appelle
la Convention à renouveler ceux-ci sans plus attendre "Disons
qu'il existe une conspiration contre la liberté publique ...Quel est
le remède à ce mal ? Punir les traîtres, renouveler les
bureaux du Comité de Sûreté Générale, épurer
ce comité et le subordonner au Comité de salut public, épurer
le Comité de salut public lui-même ...". Pour lui, les
comités doivent être soumis à la Convention et non l'inverse
: "Vous n'êtes pas faits pour être régis, mais pour
régir les dépositaires de votre confiance". Les comités
l'attaquent, lui Robespierre,
justement parce qu'il n'appartient à aucune faction mais à la
Convention même. Il se déclare impuissant à faire le bien
et à arrêter le mal depuis six semaines à cause de ces comités
qui paralysent la marche de la Révolution. S'assurant le soutien de la
droite en rappelant comment il avait sauvé 75 Girondins, il attaque la
gauche de l'hémicycle au travers de son système financier (Cambon),
sa conduite de la guerre (Carnot), la mise en place de la terreur même.
Stupéfaite, l'Assemblée avait déjà voté l'impression
quand Cambon monte à la tribune et prend la parole " Avant d'être
déshonoré, je parlerai à la France, un seul homme paralyse
la volonté de la Convention : cet homme c'est Robespierre ! ".
Ce fut le signal d'une ruée à la tribune, Billaud-Varenne
dit : " Il faut arracher le masque. J'aime mieux que mon cadavre serve de
trône à un ambitieux que de devenir par mon silence, complice de
ses forfaits", Amar flétrit " l'amour propre blessé qui venait troubler
l'Assemblée ". Panis déclarant qu'une liste de proscrits était dressée demanda
des noms, Challier ajouta : " Quand on se vante d'avoir le courage de la
vertu, il faut avoir celui de la vérité. Nommez ceux que vous accusez ! "
Robespierre
ne disant rien, tous les Conventionnels se sentaient visés, en en nommant dix
il aurait pu en rassurer trois cents.
L'assemblée se ressaisissant rappela le décret d'impression. La séance était
levée à 17h. Robespierre
avait perdu la première manche.
Le soir même il se rendait au Club des Jacobins où il se faisait acclamer en dénonçant Collot d'Herbois et Billaud-Varenne alors présents qui partirent rapidement aux Tuileries avertir le Comité de salut public. La nuit du 26 au 27 juillet (8 au 9 thermidor) fut tendue dans la salle verte. Saint-Just, impassible, préparait son discours pour la Convention du lendemain ne cachant pas à Collot d'Herbois et à Carnot qu'ils y seraient traités de traîtres.
Le lendemain, 27 juillet 1794
(9 thermidor an II), les membres du Comité recevaient un billet de Saint-Just
: " Vous avez flétri mon cœur ; je vais l'ouvrir à la Convention ", tous
s'y précipitèrent rapidement il était 10h30. La partie finale était engagée.
La Convention était en ébullition. Toute la nuit, des tractations avaient eu
lieu entre la droite, le centre et les Montagnards les plus menacés. Saint-Just
veut lire son discours préparer la veille mais Tallien et Billaud-Varenne
l'en empêchent avec la complicité de Collot
d'Herbois alors président de séance. Lebas
tente de prendre la parole mais c'est impossible, les ennemis de Robespierre
ont juré d'étouffer la voix de ses amis. Robespierre
tente également de prendre la parole, des cris fusent " A bas le tyran !
". Les députés n'osant s'en prendre à Robespierre
même demandent l'arrestation de ses deux bras armés : Hanriot,
commandant de la Garde Nationale et Dumas, président du Tribunal révolutionnaire.
Robespierre
tente encore de prendre la parole mais celle-ci est couverte par la sonnette
agitée sans arrêt par le président de séance. Enfin un député inconnu, Louvet,
se décide à demander l'arrestation de Robespierre.
L'arrestation de son Augustin est également demandée puis c'est
le tour de Lebas,
Couthon
et Saint-Just.
Un instant après les gendarmes entraient et arrêtaient les cinq hommes. Il était
17h30 la chaleur était suffocante. L'Assemblée pensait avoir gagné.
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Séance du 9 thermidor à la Convention 9 Thermidor an II On voit Robespierre tentant de monter à la tribune et Tallien brandissant un poignard menaçant de tuer Robespierre si la Convention ne le décrétait pas d'accusation. |
En réalité la Commune de Paris aux
mains des robespierristes se rangea du côté de Robespierre
et fit libérer les cinq députés qu'elle conduisit à
l'Hôtel de Ville dans le but de former un gouvernement provisoire. Encore
fallait-il l'imposer à l'Assemblée à coups de canon. Coffinhal,
vice-président du Tribunal Révolutionnaire, fit, avec l'aide de
deux cents canonniers, délivrer Hanriot
et le somma de tirer sur les Tuileries. Celui-ci, heureusement complètement
ivre, ne fit rien et se réfugia à l'Hôtel de Ville. L'Assemblée
sentant la position difficile mit hors-la-loi les cinq députés
et la Commune et donna à Barras le commandement des troupes qui lui étaient
restées fidèles. A l'Hôtel de Ville, la Commune avait mis
hors la loi quatorze députés de la Convention " ennemis
du peuple plus que Louis XVI puisqu'ils ont mis en arrestation les meilleurs
patriotes ". Cependant c'était l'anarchie, d'un côté
Hanriot
incapable de prendre en mains les forces rassemblées par la Commune, de l'autre
Robespierre
incapable de prendre un parti et paralysant les actions de ses collègues d'infortune.
A minuit, l'orage éclate. La
foule robespierriste disparaît et les gendarmes de Barras font irruption à l'Hôtel
de Ville, au moment même où Robespierre s'apprêtait à signer un appel aux armes.
Un coup de feu tiré par le gendarme Méda fracasse la mâchoire de Robespierre,
Lebas
se fait sauter la cervelle, Augustin Robespierre en tentant de s'évader par
une fenêtre tombe et est ramassé à moitié mort. Couthon
infirme est jeté dans un escalier, on ne le retrouva que le lendemain tout ensanglanté,
Hanriot
défenestré par son complice Coffinhal pour son inaction fut retrouvé le lendemain
également, un œil arraché; seul Saint-Just
impassible se laissa arrêter sans émotion. Comme le dit Madelin " C'était
bien toute une guenille humaine, éclaboussée de sang et de boue, qu'on jetterait
le lendemain dans la charrette du bourreau " .
Nuit
du 9 au 10 thermidor 9-10 thermidor an II Robespierre et ses amis une dernière fois réunis se prépare à affronter leur destin. |
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Rapidement acheminés à la Conciergerie
après une brève halte au Comité de Salut Public, ils ne passèrent devant le
tribunal que pour se faire identifier. Fouquier-Tinville
était là blême, il se savait condamné : la veille encore il avait envoyé au
bourreau 42 nouvelles têtes.
Les vingt-deux condamnés montèrent dans les charrettes à 16 heures ce 28
juillet 1794 (10 thermidor an II). Depuis la Conciergerie, ils gagnèrent
le lieu de l'exécution, place de la Révolution, traversant Paris aux cris de
" Foutu le maximum ". A 19 heures, les vingt-deux robespierristes montaient
à l'échafaud, Couthon
sera le premier, Robespierre
l'avant dernier et Lescot-Fleuriot maire de Paris le dernier.
Le lendemain 71 autres Jacobins étaient exécutés et le
surlendemain douze Jacobins passaient à l'échafaud. Tous ces Jacobins
seront enterrés nus sans aucun signe distinctif au cimetière des
Errancis dans des fosses communes où ils seront recouvert de six couches
de chaux vive.
L'après Thermidor
Pour un Billaud-Varenne,
un Collot
d'Herbois ou un Fouché la mort de Robespierre
n'est rien d'autre qu'un " incident " politique au même titre que celle
de Danton
ou de Hébert,
mais pour la foule il en va tout autrement. Pour beaucoup de petites gens, Robespierre
incarnait la Terreur, la Révolution, le gouvernement de Salut Public, la continuation
de la guerre. Robespierre
n'étant plus, la Terreur devait cesser, la Révolution devait cesser, le Comité
de Salut Public et la guerre devaient cesser.
Laissons la parole à Madelin qui souligne " Et, soudain, la Révolution,
brusquement arrêtée à un tournant imprévu, va virer sur elle-même. A l'étonnement
de ceux-là même qui ont fait le 9 thermidor, le 9 thermidor va apporter au pays
la réaction, parce que le pays en veut tirer la liberté et la paix ".